Trafic
Le 8 avril 2014
Prix de la mise en scène au festival de Cannes en 2013, le troisième film du réalisateur mexicain Amat Escalante livre une réflexion éthique sur la violence du trafic de drogue, dans un traitement frontal qui refuse tout glamour...
- Réalisateur : Amat Escalante
- Acteurs : Armando Espitia, Andrea Vergara
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Néerlandais, Mexicain
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h45mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 9 avril 2014
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival du film Policier de Beaune, Festival de Cannes 2013
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Résumé : Au Mexique, la famille d’Estela, une jeune fille de douze ans, est prise dans un engrenage de violence lorsque celle-ci tombe amoureuse d’un jeune policier impliqué dans un détournement de drogue.
Critique : Il serait tentant de n’aborder Heli que sous l’angle de la violence, qui transperce le film en son centre, dans une de ces séquences généralement évoquées à demi-mot (ou par mots-clés justement), du bout des lèvres, lorsqu’on parle d’un objet à scandale. Et certes, la violence de Heli est la matrice de toute chose à l’intérieur de l’univers du film : on vit à proximité, dans l’attente de son éventuelle explosion ; elle se loge dans la police au même titre que chez les narcotrafiquants ; et quand elle surgit au cœur du foyer, c’est littéralement une irruption armée. La séquence d’ouverture du film, la pendaison d’un corps torturé, que l’on expose en place publique en suspendant la corde à un pont, tient lieu d’avertissement : tout ce que le spectateur verra au cours du film sera irrigué par cette image inaugurale. Heli récuse le film de gangsters et la plupart des codes de films de genre pour un traitement réaliste, frontal, qui rabaisse la violence à l’horreur la plus nue et la plus banale possible. Le glamour du cartel est ici interdit : ce sont des enfants qui sont tortionnaires, les blessures et les coups portés mettent du temps à guérir, et l’exercice brut de la force retombe vite dans la seule catégorie autorisée – le fait divers. Dans un pays où les images de têtes décapitées sont diffusées à la télévision nationale, le film propose un manuel d’usage des images violentes tout aussi « choc » et insoutenables en surface, mais dont le cadre est, à la différence des journaux télévisés, réfléchi et précisé en amont
La mise en scène de Heli, paradoxalement belle et sans débordements, est assurément ce qui évite au film de franchir les limites qu’il frôle tant de fois. Amat Escalante contourne l’erreur qui aurait consisté à mettre en œuvre un dispositif massif et unilatéral ; la souplesse de son filmage, qui passe du pied à l’épaule, du plan-séquence au découpage classique, donne au récit une fluidité passionnante. L’esthétique de Heli s’écarte parfois vers le mythologique, le magique, l’absurde, par touches légères qui permettent au spectateur des moments de respiration dans l’horreur. Si certains de ces chemins de traverse apparaissent à l’écran plus théoriques et appuyés que d’autres (la séquence du char), ils ne remettent jamais en question l’incarnation du récit, et la sensation de banalité exemplaire qu’il procure. Les acteurs choisis par Amat Escalante – et au tout premier chef Armando Espitia, qui interprète Heli – sont avant tout des corps harassés par la chaleur, la lumière, l’effort physique, puis par les coups et agressions qu’on leur inflige. Lors de sa présentation à Cannes, les détracteurs de Heli ont pu arguer du fait que le film était inutilement violent, et inutile tout court – car au final, on « n’apprend rien » du récit. Heli est pourtant un film éminemment politique, d’une façon particulière : non pas directement, mais parce qu’il propose une réflexion éthique et incarnée sur ce que signifie le trafic de drogue dans le quotidien et le concret de ceux qui y sont confrontés d’une manière ou d’une autre.
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