Le 29 octobre 2019
C’est le récit de femmes dont les pouvoirs dérangent. Fascinantes et attirantes pour certains, dangereuses et maléfiques pour d’autres : découvrez cette histoire culturelle, politique, mais non moins poétique.
- Auteurs : France Culture, Céline du Chéné
- Editeur : Michel Lafon
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 24 octobre 2019
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Résumé : Voyager dans le temps pour retrouver ces femmes oubliées à l’origine de nombreux fantasmes. Au fil des pages, la figure de la sorcière revit à travers les âges. Cet ouvrage est issu des quatre épisodes de La Série documentaire (LSD) sur France Culture : « La chasse aux sorcières » (l’invention du sabbat ; la marque du Diable ; le procès de Michée Chauderon, sorcière brûlée en 1652 à Genève...), « Sorcellerie » (les supports d’envoûtement ; le témoignage de la sorcière Katell...), « Figures de sorcières » (au cinéma, au théâtre, dans la danse et les estampes...), « Sorcières, politiques et féministes » (le mouvement wicca ; le Witch Bloc, les sorcières féministes, exclusives, anarchistes, contre les oppressions systématiques...).
Notre avis : Si depuis toujours la figure de la sorcière inquiète, révulse, cet ouvrage insiste plus encore sur la fascination que ces femmes provoquent, dès l’Antiquité, où des avatars sont déjà présents : on peut par exemple penser à Médée ou Circé. Pourtant, si à l’époque antique les sorcières sont respectées, au Moyen Âge un basculement va s’opérer, avec la montée du christianisme. Petit à petit, les sorcières seront craintes, au point d’être torturées et brûlées vives, après des parodies de justice.
Céline du Chéné / Michel Lafon
Toutefois, cet ouvrage nous rappelle l’iniquité des procès menés : ils visaient plus encore les femmes que les sorcières. En effet, le livre commence par l’accusation portée conte Michée Chaudron en 1652, à Genève, et très vite on comprend que ce qui dérange chez celle-ci, c’est son veuvage. Progressivement, va naître l’idée que les femmes qui survivent à leur mari sont des sorcières, car à l’époque il était inconcevable de voir des femmes mener leur existence seules et survivre sans l’aide d’un homme. Dès lors, on comprend vite que l’argument de la sorcellerie était un prétexte pour se débarrasser de ces figures libres et émancipées souvent malgré elles, qui évoluaient fréquemment en marge de la société.
Céline du Chéné / Michel Lafon
La recrudescence de la chasse aux sorcières va donc de pair avec une misogyne croissante. De plus, les procès pour sorcellerie étaient fondés sur des dénonciations de voisins ou de voisines, qui pouvaient être jaloux ou simplement animés par une volonté de nuisance. Ainsi, rapidement, des manuels vont voir le jour, afin de reconnaître les sorcières, tel le Malleus Maleficarum, et de nombreuses tortures seront mises en place pour prouver que ces femmes peuvent être clairement identifiées comme telles.
Alors qu’au départ elles pouvaient être considérées comme sorcières, grâce à leur connaissance des plantes ou de la nature, très vite on va leur prêter des intentions satanistes, les accuser de forniquer avec le diable lors de sabbats, ou encore de tuer les nouveaux nés pour les manger. Avec cette nouvelle accusation, les sages-femmes sont visées : chaque mort d’un nouveau né devient suspecte, celles qui les accouchent sont parfois accusées d’échanger les bébés à la naissance avec des démons.
Néanmoins, ce qui fait tout l’intérêt de cet ouvrage est que Céline du Chéné, au lieu de rester cantonnée à la période du Moyen Age, va montrer que les sorcières sont toujours présentes dans nos sociétés et que ces femmes, au départ marginalisées et tuées pour cela, renversent totalement le rapport de force en faisant de la sorcière une icône féministe, à l’image du mouvement Witch bloc ou encore la Wicca, qui est un mouvement spirituel néo-païen créée dans les années 1950.
Céline du Chéné / Michel Lafon
L’autrice a aussi eu la chance de rencontrer des sorcières d’aujourd’hui, comme Katell qui a pris le temps de lui expliquer en quoi consistait son art, en la mettant en relation avec le chamanisme, plus encore avec la nature, ainsi que les animaux qui lui servent souvent de guide et la mort qui fait partie intégrante de sa vie. Ce témoignage extrêmement rare tend à prouver que la mauvaise image qu’on peut avoir de ces êtres est totalement biaisée et que, loin de faire peur comme on le croyait au Moyen Âge, ils sont réalité là pour nous venir en aide.
Céline du Chéné / Michel Lafon
Avec cette histoire culturelle et visuelle, Céline du Chéné propose un ouvrage qui retrace l’histoire des sorcières et de la sorcellerie à travers les âges, en insistant sur le fait que ces femmes brûlées vives, davantage que des êtres maléfiques, étaient en réalité les victimes d’une misogynie toujours plus violente et agressive, se plaçant dans une optique similaire à celle de Jules Michelet, l’objectif étant de montrer que les sorcières sont en réalité le symbole de la misère et de la souffrance du peuple asservi*. On comprend donc mieux pourquoi, encore aujourd’hui, la figure de la sorcière est parfois reprise en manifestation ou tout simplement utilisée pour créer des mouvement contestataires, comme les Witch bloc.
En outre, loin de l’iconographie caricaturale (nez crochu, balai, chapeau pointu), les sorcières sont en réalité toutes ces femmes qui veulent vivre libres et émancipées. Le texte rappelle malheureusement combien le destin des femmes demeure trop érigé par des hommes qui, encore aujourd’hui, n’acceptent pas toujours que l’autre sexe puisse se débrouiller sans eux.
Le podcast de La Série Documentaire est à retrouver sur le site de France Culture.
* page 116.
191 pages - 25 €
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