Le 23 décembre 2020
A mi-chemin entre le film policier et le film d’espionnage, Les siffleurs dissèque les méthodes pour le moins non orthodoxes d’un policier, corrompu par un réseau de trafic de drogue et d’une justice pour le moins ambivalente. Un film complexe et sombre, qui s’éclaire subtilement au fur et à mesure du récit.
- Réalisateur : Corneliu Porumboiu
- Acteurs : Antonio Buil Puejo, Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar, Agustí Villaronga, Sabin Tambrea, George Pistereanu
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français, Allemand, Roumain
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 21 mars 2022 22:40
- Chaîne : Arte
- Titre original : La Gomera
- Date de sortie : 8 janvier 2020
- Festival : Festival de Cannes 2019
Résumé : Cristi, un inspecteur de police de Bucarest corrompu par des trafiquants de drogue, est soupçonné par ses supérieurs et mis sur écoute. Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda sur l’île de la Gomera, il doit apprendre vite le Silbo, une langue sifflée ancestrale. Grâce à ce langage secret, il pourra libérer en Roumanie un mafieux de prison et récupérer les millions cachés. Mais l’amour va s’en mêler et rien ne se passera comme prévu…
Critique : Le Silbo est une langue sifflée, qui se transmet de générations en générations sur l’Ile de la Gomora, située au sein des îles Canaries. 22 000 personnes la parleraient et il semblerait que ce soit le seul langage de ce style, identifié par les linguistes sur la planète. C’est donc cette tradition linguistique qui est à la base de ce nouveau film policier et constitue le fil conducteur d’une corruption opérée par un policier roumain, blasé, mêlé à une affaire de trafic de drogue. A la façon du louchébem en France, ce mode de communication absolument incroyable permet à une mafia d’échapper à l’arsenal impressionnant de caméras et de micros, installés par la police et la justice. Les siffleurs donnent leur nom à tous ces personnages troubles, qui utilisent ce langage codé pour préparer leur coup. Mais voilà, la complexité étant parfois une donnée tangible, le langage n’est pas seulement partagé par ceux auxquels les truands s’attendent.
- Copyright Vlad Cioplea
Les siffleurs est un film à tiroirs. Pendant tout le début, on a du mal à situer qui corrompt qui et les rôles dévolus à chacun, dans cette vaste organisation de trafic de liquidités et de délivrance d’un détenu. D’ailleurs, le cinéaste ne simplifie pas son récit et tous les personnages se muent dans une sorte de suspicion généralisée. C’est cette écriture complexe et intriquée de liens ténus entre les évènements et les personnages, qui donnent à ce film une dimension supérieure à la plupart des polars. La mise en scène assume une économie de moyens, une austérité dans la conduite d’acteurs et un dépouillement des effets de cinéma, pour mieux se centrer sur l’ambivalence narrative des personnages. L’émotion s’absente des échanges entre les protagonistes et même l’amour, qui sème le bazar dans le plan dont se dotent les mafieux, demeure à un niveau très froid. Les siffleurs incarne un cinéma sombre, tel qu’on les aimait en France dans les années 70, avec des auteurs comme Jean-Pierre Melville.
- Copyright Vlad Cioplea
Le cinéma d’ailleurs est très présent dans tout le film. Corneliu Porumboiu n’hésite pas à jouer sur les styles, mêlant polar noir, western, et comédie absurde. Les protagonistes s’invitent souvent au cinéma ou devant un écran de télévision, et l’on perçoit que le cinéaste opère une sorte d’hommage au cinéma en général, à travers eux, au point d’ailleurs de configurer une scène absolument délicieuse, où le héros donne rendez-vous à la procureure, pour lui faire une offre des plus malhonnêtes, et celle-ci de différer sa réponse, choisissant de visionner le film d’Indiens et de cowboys jusqu’à son terme. Le réalisateur joue avec les références cinématographiques, il s’en délecte pour toujours retomber sur ses pattes. En réalité, Porumboiu aime autant brouiller les pistes narratives que faire d’un film un véritable spectacle, presque à l’instar de cette cité lumineuse multicolore incroyable de Singapour, qui clôt le long-métrage. Privilégiant des incises permanentes de films au sein de son propre récit, le metteur en scène s’amuse avec les temporalités, les niveaux de réalité, jusqu’à oser même détourner une scène à la Hitchcock. Quant à la musique omniprésente, elle renforce ce sentiment de confusion, proposant des tubes du classique peu à propos dans ce type de récit sombre.
- Copyright Vlad Cioplea
La poésie n’est pas le fort de ce drôle de polar. Les deux femmes, l’une procureure, l’autre délinquante, offrent une image assez stéréotypée de la gente féminine, dans la lignée d’un certain cinéma des années 70 et 80. En même temps, on ressent tout le fantasme d’un cinéaste qui reconstitue des sortes de mythes de sensualité et de diablerie, qui ont fait le succès de très grandes actrices américaines ou européennes. Finalement, Les Siffleurs constitue presque un film anachronique, au sens d’une œuvre très inspirée par des films d’hier. Il n’est pas certain que tout le monde apprécie ce regard qui pourrait être qualifié de désuet, mais dans tous les cas, l’expérience mérite d’être partagée.
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anne arel 22 mars 2022
Les siffleurs - la critique du film
Comment se fait il que je n’arrive pas à mettre plus de 3 étoiles ?