Bayon a rassemblé des bouts de texte écrits ici ou là pour livrer in fine un puzzle coloré malheureusement brouillé par un excès d’emphase.

C’est un puzzle coloré dont les pièces s’égaillent sur des terres proches et lointaines. Bayon, signature de Libé reconnue pour son originalité, a récupéré des bouts de texte écrits ici ou là afin de les acoquiner pour en faire un livre labellisé "roman". Comme quoi, la mode du tout-en-un qui règne en matière d’équipement électronique s’adapte aussi au rayon littéraire. Au delà de l’envie de faire ricocher des souvenirs d’une page à une autre, c’est apparemment le pragmatisme qui a conduit Bayon à adopter l’étrange forme de ces Pays immobiles. Ces textes sont en effet tirés en partie de deux romans dont l’un consacré à son frère décédé en 1999 qui, selon l’auteur en premier avertissement de l’ouvrage, étaient "impubliables comme de nature à troubler l’ordre public de mon entourage".
De l’Afrique où l’auteur a vécu son enfance à Paris ou la Bretagne, les souvenirs et sensations s’égrènent ainsi sans logique géographique ou chronologique. Pour autant, tous ces textes sont liés par une envie vivace : faire remonter à la surface des fantômes et les réveiller dans un halo comme pour mieux mêler les contraires dans une sorte de pérennité littéraire. "Morale : vie et mort, enterrés et déterrés, tout mélangé ; temporel et éternel, profane ou magique, anéanti’, tels ces tombeaux pharaoniques profanés.
Pour réveiller le monde enfui, "convoquer les esprits obscurs", l’auteur écrit comme s’il était sous transe : "j’écris à l’aveugle, dans les ténèbres, sans pouvoir surveiller ce que j’écris...". Mais le déferlement d’adjectifs à la limite de l’état de scories littéraires flottant à la surface des phrases nous fait néanmoins penser que Bayon s’est appliqué bien au contraire à broder avec emphase une langue baroque qui, à forte dose, peut vite devenir lassante faute de sens naturel de la poésie.