Le 15 décembre 2004
Lemony Snicket dépoussière le roman-feuilleton dans une série pleine de malheurs et de drames, qui parvient à conjuguer les vieilles recettes du genre avec les exigences des lecteurs d’aujourd’hui. Une merveille !
Lemony Snicket dépoussière le roman-feuilleton dans une série pleine de malheurs et de drames, qui parvient à conjuguer les vieilles recettes du genre avec les exigences des lecteurs d’aujourd’hui. Une merveille !
Un titre à rallonges, un nom bizarre, une jaquette de rêve et des tomes qui s’alignent comme si tout ça ne devait jamais avoir de fin. C’est parce que, comme le dit, ou pourrait le dire, Lemony Snicket, il n’y a jamais de fin au malheur, et celui des Orphelins Baudelaire n’échappe pas à la règle. Mais qui sont donc ces malheureux enfants ? Ils sont trois, Violette, Klaus et Prunille, trois pour se serrer les coudes, trois pour se soutenir et se consoler, trois pour faire face à un déferlement de drame qui en laisserait plus d’un sur le carreau.
Leurs parents disparaissent dans un terrible incendie qui réduit en cendres la grande maison familiale et les laisse seuls, sans toit et sans affection, livrés aux caprices du destin, à peine épaulés par Mr Poe, un banquier qui leur sert de tuteur et ne brille que par la richesse de ses expectorations dans d’immenses mouchoirs blancs. Commence alors une quête sans fin pour dénicher un foyer accueillant qui les mettra à l’abri des périls du monde. Rien n’est simple, surtout quand on est à la merci des troubles du jugement d’un Mr Poe dont l’unique préoccupation est de cesser au plus vite de s’en préoccuper. Le premier tuteur sera celui par qui le malheur arrive : le sinistre Comte Olaf. Sa funeste silhouette jette son ombre sur la triste vie des orphelins qui, pour leur malheur, se trouvent être à la tête d’une fabuleuse fortune que le Comte compte bien réussir à s’approprier.
La trame peut sembler mince, et elle sert de toile de fond à chaque nouvelle histoire. Mais nous sommes dans le roman feuilleton. Pas de place pour la surprise, hormis les rebondissements que devront affronter nos héros.
Il y a quelque chose de Fantomas, dans ce Comte Olaf, définitivement méchant, pervers et sardonique, qui disparaît à l’issue de chaque épisode, pour mieux renaître sous une nouvelle apparence. Roi de la métamorphose, le Comte peut être partout, se dissimuler derrière chaque rencontre sur le chemin des orphelins, signant cyniquement ses méfaits de cet œil tatoué sur sa cheville, comme un regard passe-muraille qui ne lâcherait jamais sa proie. Car le méchant est très méchant, invincible et toujours menaçant, immuable dans son diabolisme. Le rôle du Comte est de mener l’histoire, d’entraîner les orphelins dans une course sans fin. Lui n’ira jamais plus loin que l’archétype qui le définit. Seuls les enfants peuvent se construire, acquérir une expérience. Les autres personnages ne sont là que pour susciter cette expérience, un genre de décor ! Décors aussi les lieux témoins de ces aventures. Des décors qui prennent vie dans leur improbabilité. Le laboratoire aux serpents, la maison de Tante Agrippine, accrochée à sa falaise, la ville des corbeaux, qui s’obscurcit à heures fixes sous le vol groupé des oiseaux, ou l’appartement des Eschemizere, perché au 86e étage sans ascenseur, et où l’on doit jouer les Petits Poucets pour retrouver son chemin !
Magie des lieux, mais pas des moyens ! Les malheurs des orphelins ne s’arrangent pas d’un coup de baguette. La solution ne vient que de la réflexion, la logique, l’ingéniosité (et un certain savoir-faire de Prunille aux légendaires quenottes !). Et toutes ces qualités étant rarement réunies en un seul corps, les orphelins doivent se serrer les coudes, mettre leurs compétences en commun pour vaincre les pièges qui s’ouvrent sous leurs pas. Klaus, bibliothèque ambulante, sait où trouver les informations qui vont les aider, trouve toujours un titre oublié dans un coin de sa tête, celui DU livre qui porte la solution. Violette, inventrice dans l’âme, articule rouages et poulies là où la théorie ne suffit plus.
Le message est clair. Ensemble, on peut tout vaincre, sur le chemin d’une paix et d’une liberté qui ne passe que par la connaissance, l’apprentissage, le savoir. On est très loin des histoires de sorciers, glorifiant un succès facile et arbitraire, pétri de toute-puissance. Ici, tout se mérite, et même si la vie des orphelins semble s’écouler sous le signe de l’injustice et du malheur, chaque expérience les fait avancer vers la sagesse et l’autonomie en même temps que s’ébauche le deuil d’une enfance volée.
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– Lemony Snicket, sa vie, son œuvre
– Qui a peur du Comte Olaf ?, un goûter avec les lecteurs des Orphelins
– Heureux qui comme Ulysse, l’abandon, un thème récurrent dans la littérature pour enfants
– Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, le film de Brad Silberling
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