Le 15 décembre 2004
De Peter Pan à Bambi en passant par Hector Malot, la monde est plein d’enfants perdus. Les orphelins Baudelaire propose une approche un peu différente, sous des allures de classique.
De Peter Pan à Bambi en passant par Hector Malot, la monde est plein d’enfants perdus. Les orphelins Baudelaire propose une approche un peu différente, sous des allures de classique.
La littérature a horreur du changement. Les époques et les courants n’ont fait que décliner à leur manière quelques thèmes universels, mais au bout du compte, Ulysse revient toujours à Ithaque. La littérature jeunesse ne fait pas exception, et en fonction de l’âge du public, conjugue des histoires d’amitiés, de séparation, d’apprentissage ou d’omnipotence, le fonds de commerce incontesté restant depuis des lustres le drame des orphelins.
On les a connus abandonnés dans la forêt, échangés au berceau, enfants perdus, enfants trouvés, enfants volés, enfants désemparés, privés d’un amour légitime. L’orphelin littéraire n’est pas forcément un enfant sans parents. C’est un enfant en quête de parents. L’enfant pauvre, fils caché d’un prince, l’enfant abandonné par une famille milliardaire à la faveur d’une catastrophe... Le fantasme est un grand classique selon Monsieur Freud, chez tout bambin en voie de développement. "Mes parents ne sont pas mes parents. Je suis le fils de gens très puissants et un jour la vérité éclatera". Le thème existe sous bien des formes, depuis Annie, la petite orpheline qui fit fureur dans les premiers numéros du Journal de Mickey, jusqu’à Momo dans La vie est un long fleuve tranquille, en passant par Sans famille ou Pinocchio, il entretient un fantasme d’auto-engendrement, l’illusion d’une liberté qui passerait par l’abolition de toutes les règles.
Mais les choses ne sont pas si simples et se gaver de fraises Tagada n’a qu’un temps. Les enfants Baudelaire, eux, sont jetés de plein fouet dans des situations qui leur font expérimenter le manque, le regret, le chagrin. Le monde des adultes est un monde hostile, égoïste, dans lequel un enfant ne pèse pas bien lourd, quelle que puisse être sa souffrance. Mr Poe y symbolise cet arbitraire, cette rigueur de la loi, cette sourde oreille à la douleur d’un enfant. Et c’est là que l’atemporalité de la série devient discutable. Lemony Snicket a choisi d’extraire ses personnages de tout contexte temporel. Quelques détails trahissent parfois notre époque, mais d’une façon générale, les histoires des orphelins Baudelaire s’inscrivent hors d’un temps et d’un espace connus. (Le film, d’ailleurs exploite encore plus cette dimension.) Mais l’époque actuelle reste perceptible dans le traitement que fait l’auteur de la situation des enfants.
Au siècle dernier, compte tenu de son jeune âge, l’orphelin devenait aussitôt une cible, une victime, incapable de résister à un monde qui n’était pas fait pour lui. Incapable d’avoir un libre-arbitre, il ne pouvait que se laisser porter par le destin, et attendre que surgisse sur son chemin un Jean Valjean qui deviendrait son bon génie. Les enfants Baudelaire, eux, savent qu’ils ne peuvent compter que sur leurs propres compétences et même si le monde n’est pas tout à fait fait pour eux (ils l’expérimentent en fuyant de la ville aux corbeaux, par exemple), il vaut mieux se méfier des adultes. Ils doivent unir leurs forces, et s’entourer de leurs semblables (les triplés Beaudraps) pour s’épauler et se réchauffer.
Parler ici du "monde de l’enfance" n’est pas un vain mot, car on a vraiment l’impression de deux univers qui cohabitent, sans jamais pouvoir se rejoindre. Seul le Comte Olaf est capable de naviguer de l’un à l’autre car il est resté dans l’espace du jeu. Il est acteur, donc joueur, et capable de transformer à volonté son apparence. Tout cela le met à l’abri du monde adulte et de ses lois puisqu’il ne joue pas avec les mêmes règles. Les orphelins le savent bien et comprennent tout de suite que le Comte ne sera jamais arrêté par des moyens légaux qui n’ont aucune prise sur lui.
Mais si les enfants utilisent leurs moyens propres pour venir à bout de l’ennemi, ils le font à partir d’une réflexion adulte, d’un raisonnement. C’est aussi ce qui les distingue du héros picaresque, orphelin lui aussi, mais qui se tire d’affaire par des moyens souvent cruels, vengeurs et hors la loi. Les enfants Baudelaire savent simplement que le chemin de la loi ne leur est pas ouvert et qu’ils devront y parvenir par des voies détournées. L’objectif n’est pas de punir eux-mêmes le Comte Olaf, mais de le confondre aux yeux des adultes.
Roman d’apprentissage, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire est une sorte d’Odyssée, semée de récifs, de tempêtes et d’écueils. Orphelins des temps modernes, le monde peut leur sembler hostile mais les épreuves font partie de la vie. Il faut simplement avoir l’œil... avant de regagner Ithaque.
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