Les joies de la locomotion
Le 2 janvier 2012
Le plus enjoué et extraverti des films de Murnau fait vivre à l’écran l’utopie d’un monde tout à la joie de l’instant et du mouvement perpétuel.
- Réalisateur : Friedrich Wilhelm Murnau
- Acteurs : Max Schreck, Alfred Abel, Harry Liedtke, Julius Falkenstein, Mady Christians
- Genre : Comédie
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h20mn
- Titre original : Die Finanzen des Großherzogs
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– Sortie en Allemagne : 7 janvier 1924
Die Finanzen des Großherzogs - MurnauLe plus enjoué et extraverti des films de Murnau fait vivre à l’écran l’utopie d’un monde tout à la joie de l’instant et du mouvement perpétuel.
L’argument : Le grand-duché de Minorca est endetté jusqu’au cou auprès de Semjon Marcowitz et le ministre des finances est désemparé. Le grand duc Ramon est plus philosophe : On va devoir trouver un autre emploi !.
Un industriel veut acheter à prix d’or la ruine de Punta Hermosa pour y exploiter des mines de souffre. Le grand duc, horrifié, le jette à la porte.
Un avion apparaît dans le ciel et largue une lettre de la princesse Olga. Celle-ci est décidée à devenir grande duchesse de Minorca : Vous n’avez pas d’argent ? Peu importe : moi, j’en ai d’autant plus !.
Le professeur Collins, alias Pelotard, organise une course de lévriers en salon et remet à un parlementaire les lettres compromettantes qu’il a dérobées à Semjon Marcowitz, le plus grand maître chanteur de la terre. Il a également subtilisé la lettre de la princesse qu’il a remplacée par une copie...
Notre avis : Les quelques lignes ci-dessus, ne résumant que les toutes premières scènes, annoncent la couleur : le scénario du quatorzième film de Murnau, que Thea von Harbou a tiré d’un roman de Frank Heller (alias Martin Gunnar Serner) intitulé Storhertigens finanser, est des plus rocambolesques et se déroule dans un monde d’opérette où les soucis de cohérence dramatique et de vraisemblance n’ont pas leur place.
L’humour de Murnau est rarement mis en avant dans les analyses de son oeuvre. Il en est pourtant, de Schloss Vogelöd à City girl, un des éléments constitutifs, le plus souvent sous la forme d’une ironie romantique qui ne recule pas devant le grotesque. Qu’on pense aux silhouettes hoffmaniennes de Nosferatu ou aux compositions génialement outrées de Jannings dans Tartuffe et Faust.
Mais aucun des films subsistants du cinéaste ne prend aussi délibérément le parti d’une légèreté sans arrière pensée que ces Finances du grand-duc qui respirent d’un bout à l’autre une espèce de joie enfantine solaire et communicative.
Tout est mouvement dans ce film où abondent les moyens de locomotion et à aucun moment on ne sent la lourdeur d’une grosse production UFA à vedettes (Harry Liedke et Mady Christians, très populaires à l’époque) dotée de gros moyens et d’un temps de tournage conséquent (quatre mois).
La magie des décors (de Rochus Gliese et Erich Czerwonski) et de la photo (de Karl Freund et Franz Planer) parvient à créer, avec quelques accessoires et effets de lumière, l’ambiance nocturne d’une grande ville et les scènes tournées en extérieur durant l’été 1923 sur la côte dalmate (entre autres dans le palais de Dioclétien à Split) exhalent un irrépressible bonheur de filmer la mer, le ciel, le soleil sur les rochers.
Die Finanzen des Großherzogs - Murnau
Tout ici est excessif (les acteurs cabotinent allègrement mais avec grâce) et seule la netteté et l’élégance suprême du trait évite au film de tomber dans le n’importe quoi.
Il y a pourtant, au delà de l’éblouissement visuel et de la bonne humeur affichée, un fond de mélancolie qui annonce Tabu et laisse sourdre une discrète émotion : ce paradis terrestre où l’on vit au jour le jour en s’ébattant joyeusement dans l’eau et où les dangers sont balayés d’un coup de main est trop beau pour être vraiment vrai.
Ce monde dédié à la joie de l’instant a les couleurs du conte et de l’utopie.
Signalons que Gustaf Gründgens a réalisé en 1933 une nouvelle adaptation sonore du roman, interprétée par Viktor de Kowa dans le rôle du duc et Heinz Rühmann dans celui de Pelotard. Les photos de cette version illustrent souvent par erreur les articles concernant le film de Murnau.
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