A Different Perspective
Le 15 février 2023
Desplechin condense les grandes lignes de sa filmo entre mélodrame et proto film d’espionnage. Une synthèse hasardeuse et qui manque de liant, à réserver aux inconditionnels.
- Réalisateur : Arnaud Desplechin
- Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Marion Cotillard, Bruno Todeschini, Louis Garrel, Mathieu Amalric, Catherine Mouchet, Hippolyte Girardot, Jacques Nolot, Samir Guesmi, Alba Rohrwacher, László Szabó, Marc Berman
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 15 février 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Box-office : 385 868 entrées France / 126. 760 entrées Paris Périphérie ; 28 519 $ (USA)
- Date de sortie : 17 mai 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
Film présenté hors-compétition en ouverture du Festival de Cannes 2017
Résumé : À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu…
Critique : À l’instar de toute l’œuvre d’Arnaud Desplechin, Les Fantômes d’Ismaël se place sous le signe d’une putréfaction latente. Qu’il s’agisse du passé refoulé et pourrissant d’Ismaël ou des interactions sans profondeur du personnage avec le monde et les autres, le film développe une intrigue sans cesse contrariée, arrêtée. Entre l’idylle avortée d’avec Carlotta - clin d’œil à la Carlotta Valdes de Sueurs Froides, dont le portrait s’avère aussi ici symbolique -, l’amour précaire retrouvé avec Sylvia, ou l’exploration fantasmée du passé et du frère perdu via l’écriture du scénario d’un film d’espionnage, Les Fantômes d’Ismaël semble dissimuler quelques secrets en décomposition. L’on songe à la tête coupée de La Sentinelle qui symbolisait la disjonction des pouvoirs (politique, sentimental, physique...) ou au cadavre du singe de Rabier sous le radiateur dans Comment je me suis disputé... ma vie sexuelle. Cette dégénérescence tient bon au départ avec la simili-résurrection de Carlotta, qui donne alors au long-métrage une dimension surnaturelle sur fond de règlement de comptes. Toujours dans la veine de Sueurs Froides, la relation entre Ismaël et cette dernière introduit l’idée de nécrophilie. Mais cet équilibre fragile, à force d’un trop-plein d’expérimentations scénaristiques, va s’effondrer.
- Copyright Jean-Claude Lother / Why Not Productions
À travers une mise en abyme où Amalric incarne un cinéaste torturé, Desplechin ressasse une bonne partie des typologies de fictions ayant jalonné sa filmographie. Le metteur en scène s’amuse à immerger le spectateur sous ses obsessions, en lui imposant un jeu de poupées gigognes à la limite du fétichisme. Ainsi, le film s’ouvre sur une intrigue d’espionnage à la manière de La Sentinelle, avant de glisser vers une tonalité plus mélodramatique façon Un conte de Noël, ou encore sur un triangle amoureux dont les personnages semblent hérités de Comment je me suis disputé... ma vie sexuelle et Trois souvenirs de ma jeunesse. Tantôt le récit se fait linéaire, tantôt il s’y dérobe en optant pour des flashbacks teintés de romance, ou pour une reconstruction mentale d’une vie manquée - celle du frère diplomate, l’éternel Dedalus qui réapparaît sporadiquement chez Desplechin, aficionados de l’onomastique. L’ennui de ce dispositif, qui aurait pu traduire de façon organique le désir du réalisateur de digresser sur la puissance de la fiction et du faux en s’en remettant à ses lubies, est qu’il peine à articuler ses transitions.
- Copyright Jean-Claude Lother / Why Not Productions
Il faut attendre une scène dans la seconde partie plus ouverte où Ismaël se penche sur la question de la perspective, d’une part dans le tableau "Les Époux Arnolfini" de Van Eyck, de l’autre dans la peinture de la Renaissance italienne, pour saisir la logique du film. Cet amoncellement de mouvements et de va-et-vient se pare ainsi d’une problématique liée à la perspective. Multiplier les horizons du récit et stylistiques va dès lors de pair avec une recherche plus théorique sur le cinéma et ses possibilités. Problème : en visant la synthèse de ses films et de leurs terrains d’expérimentation, Desplechin échoue à en conserver le centre névralgique et la poésie - la faute notamment à une certaine facilité dans la combinaison. Syndrome de cette faiblesse : la métaphore selon laquelle la peinture de Jackson Pollock ne serait à admettre que sous deux formes (figurative ou abstraite) - à l’image donc des œuvres du cinéaste. On a connu moins binaire et plus inspiré. Demeurent un casting efficace et de belles images solaires ou cafardeuses - trop peu toutefois pour constituer un film mémorable de l’auteur de Rois et Reine.
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Keefmaster 27 juin 2017
Les Fantômes d’Ismaël (Cannes 2017) - la critique du film
Le vrai mystère de ce film allègrement raté, est comment s’est-il retrouvé en ouverture de Cannes ?
C’est d’un ennui profond, stylistiquement pauvre, brouillon...
Le seul moment où je suis sorti de ma torpeur est lorsqu’on entend Bob Dylan. Pour y replonger directement abasourdi par les singeries de Cotillard.
Pauvre cinéma français.