Le 13 juillet 2024
Notre meilleur des romanciers français sur les écrans réinvente la grande Histoire du cinéma à travers son propre parcours initiatique, dans la figure emblématique de son Paul Dédalus. Un grand moment de cinéma pour celles et ceux qui n’ont pas le temps de lire Stanley Cavell.
- Réalisateur : Arnaud Desplechin
- Acteurs : Mathieu Amalric, Françoise Lebrun, Micha Lescot, Salif Cissé, Milo Machado Graner, Dominique Païni, Clément Hervieu-Léger, Olga Milshtein
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 15 janvier 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Hors compétition, séance spéciale
Résumé : Qu’est-ce que c’est, aller au cinéma ? Pourquoi y allons-nous depuis plus de 100 ans ? Je voulais célébrer les salles de cinéma, leurs magies. Aussi, j’ai suivi le chemin du jeune Paul Dédalus, comme le roman d’apprentissage d’un spectateur. Nous avons mêlé souvenirs, fiction, enquêtes… Un torrent d’images qui nous emporte.
Critique : Les premiers mots prononcés par Mathieu Almaric disent tout en un instant du cinéma : les images et le temps. Quel art en effet est-il capable de figurer le réel dans un temps alternatif de cette manière ? Spectateurs ! n’est pas une fiction, ni vraiment un documentaire. C’est un objet hybride qui aide le spectateur à comprendre qu’à chaque fois qu’il entre dans une salle de cinéma, c’est son paysage intérieur et extérieur à la rencontre duquel il va aller. En à peine une heure et demi, Arnaud Desplechin fait le pari de dérouler les théories essentielles du cinéma, les films qui ont marqué sa vie, et comment la fabrique de l’immense réalisateur qu’il est s’est opérée. Le résultat est bluffant, impressionnant, tant on a l’impression d’avoir tout compris de cet immédiatement saisissable qu’est une image animée sur un écran de cinéma, par rapport à d’autres médias comme la télévision.
- Copyright CG Cinéma / Les Films du Losange
Arnaud Desplechin fait œuvre d’une grande générosité. Il revient sur son meilleur personnage de fiction, Paul Dédalus, qui est évidemment un peu lui-même mais aussi, si l’on a tout compris au long-métrage, une déformation plus réelle de lui-même, depuis son enfance jusque l’âge adulte où, à l’issue d’études de cinéma qu’il a jugé ratées, il s’est jeté dans la réalisation faute d’autre chose. Ce parcours de cinéaste est lisible d’abord dans l’émerveillement du petit garçon pour la machine qui projette l’image sur le mur du théâtre, avant même l’objet lui-même du film. L’enchantement se perpétue avec les rencontres dans les salles, les histoires d’amour qui se font et se défont, les discussions sans fin après une séance, et les révélations que l’on acquiert sur soi et les autres dans un film. Arnaud Desplechin parle du cinéma dans une langue agile, intelligible, qui rend soudain signifiant ce que nous ignorons en pénétrant une salle de projection. À cet égard, Spectateurs ! doit devenir un espace d’enseignement et de transmission pour tous les apprentis et les experts en cinéma.
Comme à chaque fois dans ses films, Arnaud Desplechin soigne les textes qui accompagnent les images. Il y a dans cette intention un projet quasi sacré de figer le récit dans une éternité. Pour autant, le cinéaste ne méprise pas son public. Il ne fait pas de hiérarchie entre ce qui serait un bon cinéma, sous-entendu le cinéma d’auteur, et ce qui serait un mauvais cinéma, soit les films populaires à grand spectacle. Ce qui demeure important pour lui, c’est la rencontre toute personnelle entre un spectateur et une œuvre, même médiocre, ou un comédien. Pour preuve de bonne foi, il montre des extraits de longs métrages qui appartiennent autant au patrimoine historique du septième art (Bergman, Truffaut, Lanzmann etc.) que des films d’aventure ou d’action qui ont explosé le box-office. Tous ces extraits viennent réexpliquer le réel et donner à la vie une dimension supérieure.
- Copyright CG Cinéma / Les Films du Losange
On ressort de ce qui est à la fois la petite histoire de ce spectateur et la grande Histoire du cinéma, convaincu de la nécessité de défendre plus que jamais le septième art. En substance, Desplechin raconte la concurrence qui se joue avec la télévision, là où le cinéma se veut une expérience à la fois démocratique et personnelle, la télévision n’apparaissant que comme un média. Le cinéaste ne veut pas alarmer les foules mais on perçoit à bas bruit son inquiétude sur la montée du consumérisme des images sur les plateformes, au détriment de films conçus pour le grand écran, pour élargir notre rapport au réel et réenchanter l’existence.
Spectateurs ! doit absolument trouver sa place sur les écrans. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui un docu-fiction qui vient prendre la main du spectateur et l’amener à comprendre le cinéma. La grande humilité et l’immense pédagogie du réalisateur sont d’autant plus lisibles qu’il prend le temps de nous confier l’expérience qu’il a éprouvée avec le chef-d’œuvre du documentaire Shoah. Ainsi, en nous offrant ce film, Arnaud Desplechin accomplit un acte d’amour pour nous et le cinéma dans son entier.
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