Le 14 janvier 2024
L’écriture littéralement à fleur de peau de Brandon Taylor, crue et précise, suppose un rythme lent qui suit les pensées tourbillonnantes et les corps, nus ou vêtus, de ses héros souvent homosexuels et perdus, oppressés tant par l’angoisse de l’avenir que par les traumatismes du passé, emprisonnés dans un présent qu’ils vivent comme une expérience brutale.
- Auteur : Brandon Taylor
- Editeur : La Croisée
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Héloïse Esquié
- Date de sortie : 3 janvier 2024
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Ils sont étudiants à lowa City et rêvent de devenir poètes, pianistes, danseurs… Des jeunes remplis de doutes et d’ambition, aux portes de l’âge adulte. Parmi eux Seamus, Noah, Fatima et Fyodor, socialement opposés, qui s’attirent et se déchirent. Pour eux, vient l’heure des choix : faut-il s’accrocher à ses idéaux ou s’accommoder des exigences du monde – et à quel prix ?
Critique : Dans ce deuxième roman, Brandon Taylor retourne au cœur de l’Iowa, au sein du milieu universitaire, monde miniature qu’il recrée et observe au microscope. Les interactions sont scrutées, décortiquées ; de même que les sentiments, leurs liaisons chimiques qui se font et se défont ; de même que les corps que l’auteur décrit sans pudeur et sans tabou. Homosexuel, il raconte surtout une communauté gay qui s’est organisée tout naturellement dans cette université, communauté faite de liens volatils. Électrons libres, les héros de son roman choral sont entourés mais aussi solitaires, pleins de complexes et porteurs d’une Terre trop lourde pour eux. Ces derniers américains sont la génération de l’espoir, mais elle est déjà perdue, égarée face à un horizon trop éloigné, mais aussi trop proche.
La plume de l’auteur témoigne d’une attention aux détails exacerbée, au grain d’une peau, au frémissement d’un sourire, aux nœuds dans les gorges lorsque les partenaires s’éloignent un peu plus qu’auparavant, que les disputes si fréquentes éclatent d’une nouvelle manière, celle qui annonce une rupture – changement de paradigme ou fin d’un monde à deux déjà vu à plusieurs. Brandon Taylor imagine des personnages à l’identité propre – identité affective, sociale, physique, « raciale », quoique la couleur de peau et le bagage culturel soient moins centraux ici que dans Real Life. Malgré leurs idiosyncrasies, les protagonistes peinent pourtant à comprendre qui ils sont ou à s’assumer complètement, ce que l’auteur rend perceptible en laissant les points de vue se multiplier. Ainsi, à plusieurs reprises, celui qui apparaissait comme sûr de lui et dédaigneux dans le regard des autres laissera bientôt sa sensibilité et ses ressentiments envahir la page, permettant d’obtenir une vision plus complète et d’autant plus complexe des hommes (et des quelques femmes) qui composent ce roman.
Sous-tendent aussi Les derniers Américains des considérations plus ou moins latentes sur l’art et sur ses liens avec la classe sociale, des interrogations sur la possible futilité de l’expression artistique face au besoin de (sur)vivre. Danseurs, pianistes ou poète, les héros de l’auteur se cherchent et essaient de conjuguer travail alimentaire ingrat et pratique superflue de ce qui les faisait vibrer, mais tend parfois à devenir tout aussi ingrat que l’épluchage, le service ou le découpage de carcasses auxquels ils se soumettent pour se nourrir.
Brandon Taylor - Les derniers Américains
La Croisée
13,60 x 22,00 cm
304 pages
22 euros
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