Le 11 mars 2024
Dans une jungle étouffante, secouée par les charniers, à travers les volutes d’opium où les hommes se perdent, Guillaume Nicloux déploie une quête existentielle sous le patronage de saint Augustin. Et impose Gaspard Ulliel, magnétique, en fantôme hanté par l’amour et aveuglé par la vengeance.
- Réalisateur : Guillaume Nicloux
- Acteurs : Gérard Depardieu, Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, Lang-Khê Tran, Jonathan Couzinié
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h43mn
- Date télé : 29 juillet 2021 20:40
- Chaîne : OCS City
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans, Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 5 décembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
Résumé : Indochine, 1945. Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul survivant d’un massacre dans lequel son frère a péri sous ses yeux. Aveuglé par sa vengeance, Robert s’engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses croyances.
Critique : Le seizième long-métrage de Guillaume Nicloux poursuit une sorte de chemin existentiel entamé dans ses derniers films, et particulièrement Valley of Love, déjà hanté par les fantômes du passé.
Les confins du monde s’inscrit dans un contexte historique bien spécifique, mais délaissé par le cinéma français depuis quelques décennies. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le conflit se durcit en Indochine. de Gaulle tente de récupérer le pays occupé par les Japonais qui ripostent violemment en s’attaquant aux garnisons françaises. Après Hiroshima, l’armée nippone se retire mais les indépendantistes vietnamiens reprennent des forces et entreprennent la reconquête de leur pays.
C’est donc un territoire opaque, tiraillé entre de multiples forces, que le film investit. Mais le réalisateur n’en fait pas le sujet de son nouveau long et s’éloigne du cinéma de guerre balisé. Le cinéaste se concentre sur un jeune soldat, Robert Tassen, seul survivant du massacre d’une de ces garnisons. Il y a vécu le meurtre de son frère et n’a plus qu’une obsession : se venger de celui qui en est responsable, un lieutenant d’Ho Chi Minh.
- © 2018 Ad Vitam Distribution - Tous droits réservés
Impénétrable et mu par deux quêtes contradictoires mais tout aussi existentielles, le personnage interprété par Gaspard Ulliel, impressionnant et magnétique, naît littéralement du charnier. La structure narrative en forme de boucle (les plans d’ouverture et de conclusion) et d’ellipses semble favoriser l’imagerie fantasmagorique, où l’âme errante reste coincée dans un no man’s land.
De même ce sentiment d’étrangeté et d’irréalité est accentué par les brumes de la jungle, l’ennemi invisible et les fumeries d’opium. Ces soldats perdus aux confins du monde, puisque le titre préfigure ce sentiment d’ailleurs, opposent de façon presque désespérée, comme un ancrage à la terre, une trivialité parfois frontale, et l’horreur ne reste pas tout le temps hors-champ. Dans un univers où la virilité est une notion exacerbée et encouragée, la frustration et la misère sexuelle suinte par tous les pores. Corps transpirants et jungle humide, c’est l’inverse de la sensualité et des images d’une Indochine fantasmée. Jusqu’au personnage de Cavagna, interprété par Guillaume Gouix, qui doit feindre d’être celui qu’il n’est pas pour asseoir une autorité dérisoire et une intégration nécessaire. La guerre empêche tous les corps de s’épanouir.
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Ce qui fascine dans le film, c’est bien qu’impénétrable de prime abord, Robert Tassen offre une surface suffisamment réfléchissante pour que le spectateur puisse s’y retrouver, s’impliquer et choisir à sa place. Mu par une pulsion de mort, la rencontre d’une jeune Indochinoise, Maï, qui fait preuve de compassion en lui tendant une soupe, ouvre pour lui la possibilité de choisir le chemin de l’amour, donc de la vie. Deux obsessions se combattent alors, s’entre-dévorent, dans un sentiment de folie générale, et l’on sait bien en littérature et au cinéma le caractère éprouvant de la jungle qui étouffe, oppresse, détruit les repères et trompe les sens. Apocalypse now de Coppola, d’après le roman Heart of Darkness de Conrad, en reste le parangon absolu.
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Et il y a Gérard Depardieu, à nouveau. En transmettant les Confessions de saint Augustin au jeune soldat perdu, c’est comme si le réalisateur convoquait la véritable part spirituelle de l’acteur qui est lui-même un grand lecteur du philosophe romain et théologien chrétien. Il devient alors un phare, une boussole pour Tassen et le spectateur. S’il n’est ni dans un camp ni dans l’autre, comme l’acteur dans sa vie, c’est bien en accord avec la pensée du philosophe, pour qui le mal n’existe pas en tant que tel. Ainsi explique-t-il : « ...mais parce que dans le détail certains éléments ne s’harmonisent pas avec certains autres, on les tient pour mauvais. Or ces mêmes éléments s’accordent avec d’autres et en cela ils sont bons. »
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Si Guillaume Nicloux montre les forces colonialistes françaises, il n’en fait pas son sujet. Il montre la violence des uns et des autres mais, circonscrite au territoire filmé au sein d’une quête intime, évite d’identifier les camps selon des normes manichéennes. Chacun a sa raison propre, et c’est là que le film résonne et hante longtemps après la projection.
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toutpouretreheureux 5 décembre 2018
Les confins du monde - Guillaume Nicloux - critique
UN VOYAGE AU COEUR DES TENEBRES ENVOUTANT ET SENSORIEL
Avis sur Les Confins du monde
Avatar Eveil61 Critique publiée par Eveil61 le 5 décembre 2018
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Un film clivant , hypnotique et mystérieux oú durgit BUNUEL ( LA MORT EN CE JARDIN ), GODARD , CIMINO ; COPOLLA, FASSBINDER ,, LAM LE (POUSSIERE D’EMPIRE )et VALLEY OF LOVE . i Incorfortable , violent , utérin , méditatif et terriblement humain . En Indochine loin du pompier ou du carton pate de WARGNIER et du cliché de Barrage du Pacifique de Rithy Panh, une oeuvre en apesanteur , un voyage en immersion visuel et auditif , une reverie sous opium , et du charnel , du sexe brutal filmé frontalement , une poésie des corps et de l´ espace :,
L’ intrigue est minimaliste , évidée , remplie d´ellipses , une invitation au voyage dans son intime:et à se perdre :
Au delà de Depardieu en image tutélaire , un GASPARD ULLIEL ; aprés EVA en usurpateur d’ídentité ; revenu des morts comme le Colonel CHABERT qui doit d´abord justifier de son existence restera en éternelle survivance , rempli de vengeance est juste magique , magnétique et incarné : il a ce regard , une démarche féline et porte en lui le courage au delà de la frontière des mots et une respiration de l´ordre d´un ange ou d’un messager de Dieu à l ínstar de Terance Stamp de THEOREME de PASOLINI .
Quant á Guillaume GOUIX ;il es terrien , rempli de secrets , un Charles VANEL jeune ,ou un Jean YANNE gouailleur , terriblement humain , avec un lourd secret inavouable , habite l’espace de manière animale , brute et loyale : Du grand art -
Une traversée sensuelle , arborée , feuillue , pluvieuse , tropicale , groupale au masculin et des scénes á la Conrad ; á la Hemingway et à la Romain GARY adossée aux sons et ’a la musique envoutants.
du vrai cinéma qui donne accès au monde de l’invisible et de l’ímpalpable´ :
Une traversée des apparences avec une dimension métaphysique apportant des questions et non des réponses :