Le 1er mai 2017
Des comédiens majeurs au service de trois histoires satiriques.
- Réalisateurs : Dino Risi - Franco Rossi - Luigi-Filippo D’Amico
- Acteurs : Romolo Valli, Ugo Tognazzi, Alberto Sordi, Nino Manfredi, Franco Fabrizi, Claudio Gora, Riccardo Garrone, Claudie Lange, Umberto D’Orsi
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Ciné Sorbonne (reprise)
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 20 octobre 2021
- Titre original : I complessi
- Date de sortie : 20 septembre 1973
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– Année de production : 1965
Résumé : Comédie à sketchs. Un timide qui ne parvient pas à déclarer sa flamme à sa collègue de travail, un professeur puritain obsédé par le film licencieux autrefois tourné par sa femme, un aspirant présentateur de journal télévisé doté d’une dentition hors-norme.
Critique : L’un des clichés les plus persistants sur le film à sketch veut qu’il soit forcément inégal ; on est tenté pour une fois de louer la qualité de l’ensemble, même si notre goût nous porte davantage vers celui de Risi, sans doute le mieux écrit. Pourtant les deux autres ne déméritent pas, malgré la notoriété moindre de leurs auteurs ; c’est que leur longueur relative permet une expression plus large et évite en grande partie les facilités.
Trois histoires donc, dont le vague point commun est un complexe, mais surtout trois variations sur la société italienne des années 60, entre puritanisme, importance grandissante de la télévision, et surtout poids des élites et des abus de pouvoir : Ugo Tognazzi offre des oléoducs à l’Égypte pour récupérer le film dans lequel joue sa femme puis expédie un journaliste à Moscou. La société de Nino Manfredi est convoquée par son dirigeant pour un éloge obligé. Le comité chargé de recruter un présentateur, s’il échoue in fine à recaler Alberto Sordi à cause de ses longues dents, a tout tenté pour le faire, favorisant à outrance un concurrent. Le pays apparaît donc comme une société fermée, cloisonnée, dans lequel ceux qui ont le pouvoir ont la toute-puissance. À cet égard, le dernier sketch devient une inversion ironique, puisqu’il montre la vraie force, c’est à dire le savoir encyclopédique.
- Copyright DR SNC/Ciné Sorbonne
Dino Risi fait le portrait tout en finesse d’un amoureux timide, montré d’abord comme la victime plus ou moins conséquente de tout le monde ; il ne sait pas refuser, donne son accord à tous, et on n’écoute pas ses réponses. Bref, le prototype du transparent, qui s’oppose aux hâbleurs ou aux plaisantins du groupe. Mais c’est sa couardise qui lui fait échouer dans sa conquête de Gabriella, prête à le suivre, et non sa timidité excessive : la peur de l’amant le précipite dans les bras de Giulia, qu’il trouvait moche et qui, tout l’indique, lui aura mis le grappin dessus : le dernier plan, éloquent, le montre enfermé par la grille et sa dernière réplique (« comment je fais pour sortir ? ») dit assez à quel point il a créé son propre piège. On l’a dit, ce segment est le mieux écrit, le mieux construit : par un jeu savant de motifs (les cigarettes, les bonbons, le chien miniature, le parapluie), le scénario fait progresser lentement, mais sûrement, l’histoire de manière inéluctable. Au fond, tout semble écrit dès le début, lorsqu’il est presque seul devant le car. Risi sait teinter son récit d’une ironie mordante, qu’il accompagne d’une certaine tendresse, tout en ne dédaignant pas le clin d’œil : ainsi quand le personnage rêve d’être père, on entend un enfant crier « papa ! » ; de même quand il imagine Gabriella recouverte d’une poule en entend-on le cri, venu d’on ne sait où.
- Copyright DR SNC/Ciné Sorbonne
Pour le deuxième sketch, Franco Rossi utilise Tognazzi à son meilleur, en puritain égoïste, davantage préoccupé par l’avis des autres que par l’accouchement de sa femme (il pense à lui demander le sexe de l’enfant presque au terme de la conversation). De ce personnage désagréable, capable de componction autant que d’une dureté extrême, le scénario fait un obsessionnel dont chaque pas le tire un peu plus vers le bas ; avec ses fortes lunettes et son allure martiale, l’acteur excelle à l’incarner avec une justesse impressionnante et sans effets faciles. Même si le segment n’est pas inintéressant, et notamment parce que sa fin « morale » et ironique contribue à une vision très noire, c’est Tognazzi qui en fait le prix.
Enfin, Alberto Sordi, flanqué de dents d’une longueur excessive, amuse beaucoup en encyclopédie vivante, dont tout le monde cherche à se débarrasser ; là encore, l’ironie va de l’amusant (il est complexé par son nez…) au mordant (l’entretien avec le prêtre est un grand moment), égratigne un peu tout le monde, mais, et c’est le seul cas, le sketch propose une fin plutôt optimiste. D’Amico s’amuse à montrer le charme de cet être complexe, obséquieux et sans-gêne selon ses interlocuteurs, dragueur efficace malgré son handicap. Il sait jouer de la répétition et de l’opposition avec un humour constant.
- Copyright DR SNC/Ciné Sorbonne
Si Les complexés n’a pas la notoriété d’autres films à sketchs italiens, bien qu’il existe en DVD depuis 2013, il n’a rien du produit bâclé ou du fond de tiroir : savoureuse, tentée en permanence par la noirceur, cette œuvre est un témoignage de ce que l’Italie produisait de meilleur : cet humour irrévérencieux et grinçant, porté par d’incomparables comédiens.
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