Tueurs trépanés
Le 8 août 2006
Florence Rey et Audry Maupin : tueurs enragés ou couple ordinaire victime d’un hasard malheureux ? Foenkinos prend parti.


- Auteur : David Foenkinos
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Nationalité : Française

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Foenkinos romance de manière extrêmement habile l’histoire de Florence Rey et Audry Maupin, que l’on s’est plu à décrire comme des tueurs enragés. Ce récit en donne une image complètement différente.
Inaugurée par L’enfant d’octobre de Philippe Besson, la collection "Ceci n’est pas un fait divers" lancée cette annnée par les éditions Grasset s’enrichit de son deuxième titre. Après le tumulte et la polémique engendrés par l’affaire du petit Grégory romancée par Besson, voici une version très personnelle de la cavale meutrière de Florence Rey et Audry Maupin (jamais nommés) en plein cœur de Paris en 1994.
Curieusement, cet ouvrage est signé David Foenkinos, qu’on attendait pas, il faut bien l’avouer, dans ce registre. Foenkinos est un écrivain qui a l’habitude de jongler avec l’humour, l’ironie de la vie amoureuse et les histoires de couple. Il faut croire que l’aspect passionnel qui unissait les jeunes amants l’a séduit et fasciné suffisamment fort pour qu’il parvienne à extraire un texte aussi juste et touchant de leur histoire.
Car Les cœurs autonomes n’a rien à voir avec le récit d’une cavale sanglante et gratuite, encore moins avec le portrait de deux monstres décidés à descendre du flic. Foenkinos s’attache à mettre en scène la passion unissant ces deux personnages, la fascination de la fille pour ce type rebelle et contestataire, cet amour réciproque qui fait que, dès le début, ils se savent faits l’un pour l’autre. C’est le contexte politique qui va les faire chavirer et les transformer en jusqu’au-boutistes (1994, Balladur, Pasqua à l’Intérieur et les manifs anti CIP). Tout bascule quand ils décident de braquer une fourrière pour récupérer les armes des gardiens et que la peur, "plus dangereuse que tout", vient faire capoter leur projet...
Alors bien sûr, on peut reprocher à David Foenkinos de tenter de minimiser ces assassinats sordides en brossant le tableau d’un jeune couple ordinaire, guidé par une passion aveugle et extrême, en totale opposition avec celui décrit par la presse et les télés au lendemain de la tuerie. Mais finalement, on est également tenté de lui donner raison et d’analyser ce sordide faits divers comme l’enchaînement malheureux de circonstances désastreuses, et d’un couple dépassé par la violence des événements. Mais le propre d’un roman, c’est qu’il n’est pas là pour dire la vérité.
David Foenkinos, Les cœurs autonomes, Grasset, coll. "Ceci n’est pas un fait divers", 2006, 168 pages, 14,50 €