Voici le dernier opus qui achève La trilogie des prophéties de Pierre Bordage, commencée avec L’Évangile du serpent, puis poursuivie avec L’Ange de l’abîme [1]. Bordage nous avait habitués à nous promener dans une Europe très proche, complètement ravagée par les guerres, les conflits d’intérêts, la misère, et rongée par les religions. Avec Les chemins de Damas, cette Europe crépusculaire où s’affrontent chrétiens et musulmans (voir le tome précédent, L’Ange de l’abîme), est plus que jamais mise à feu et à sang par un pouvoir tout-puissant et unilatéral, à la botte des évangélistes venus tout droit des Etats-Unis pour porter la bonne parole sur le vieux continent.

Soupçonnés d’organiser des enlèvements d’enfants à grande échelle, ces nouveaux prophètes de l’ordre moral, les fanatiques du Christ-Roi, font régner une terreur abominable. Et c’est quand Jemma découvre avec horreur que Manon, sa petite fille, a disparu durant la nuit de manière extrêmement étrange, qu’elle décide d’accompagner Luc Flamand, un journaliste free lance qui enquête sur ces disparitions inexpliquées. Partout règne un climat de misère, de destruction et de violence. Paris a été bombardée et la capitale française est devenue un champ de ruines où domine la loi du plus fort. Jemma et Luc vont tenter de rallier Damas pour vérifier si la légende prétendant que les enfants européens se regroupent pour former une gigantesque armée, est fondée. Au risque d’y laisser la vie bien évidemment, cette route étant semée d’embûches, de dangers, de soldats et de mercenaires.

Construit comme les précédents, cet ultime roman captive, fascine et effraie. Car Pierre Bordage pose un œil critique et acerbe sur l’évolution de notre société. Ce regard extrêmement juste mais tellement terrifiant sert la cause d’un récit intelligemment mené et passsionnant de bout en bout. Une fois encore, il utilise un couple de personnages pour mener la trame principale de son récit, parallèlement à une multitude de chapitres mettant en scène une poignée de protagonistes très différents mais dont les destins sont reliés les uns aux autres. Bordage confirme ici tout son talent de conteur prophétique, au style vif et à l’imagination sans limites. Quand un romancier de cette trempe décide d’effectuer une critique sans complaisance sur l’évolution de la planète, cela donne un roman aux accents tragiques et désespérés, mais tellement, tellement réalistes. Advienne que pourra !