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Le 24 mai 2005


Voir la mer pour découvrir en soi sa propre vérité. Un roman à la noirceur adoucie par une bonne dose d’émotion.
Voir la mer pour découvrir en soi sa propre vérité. Un roman à la noirceur adoucie par une bonne dose d’émotion.
Les histoires de Giorgio Scerbanenco ressemblent à sa propre vie : elles prennent des virages inattendus et se terminent plutôt pas trop mal. Lui était né à Kiev, d’un père ukrainien nommé Scerbanenko et d’une mère italienne. Le père, officier de métier, fait les frais de la Révolution, il est fusillé, mère et fils retournent en Italie. Giorgio-Igor a à peine dix ans, il fait l’apprentissage de la mouise et de sa différence dans le regard des autres. Puis sa mère meurt de la tuberculose. Avec un tel départ dans la vie, on comprend que l’amertume lui soit restée sur le bord de la plume, mais il la modère toujours d’une forte dose d’empathie. Et si, après la guerre, il est devenu le maître du "Giallo" [1] en Italie, c’est parce qu’il se livre à une analyse très subtile de la société telle qu’elle est en train de se modifier profondément. Et que, par-dessus tout, il aime les gens.
Les amants du bord de mer, écrit dans le courant des années 60, ne faillit pas à la règle. Il met en scène un très jeune couple exclu du miracle économique, deux oisillons perdus dans une banlieue sinistre de Milan. Pour réaliser leur rêve, voir la mer, ils cambriolent un garage. Le fiasco est couru d’avance. La jeune fille meurt et le jeune homme, comme un somnambule, se dirige vers Rimini au volant d’une voiture volée. Le même jour, une Milanaise de la moyenne bourgeoisie, pour fuir une relation amoureuse qu’elle sent à sens unique, prend elle aussi la direction de l’Adriatique. Leurs routes se croiseront. On n’en dira pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de lecture et la découverte de personnages jamais tout d’une pièce. Scerbanenco excelle dans l’art de surprendre et de faire évoluer ses héros. Il leur arrache leurs masques. Fait surgir la tendresse et la fragilité qui sommeille en chacun d’eux. Les amène à leur propre vérité de manière tout à fait émouvante. Fait scintiller une petite lumière d’espoir au bout du tunnel. Le plaisir de lecture est vif : Scerbanenco est un superbe conteur, "una macchina per fare storie", une machine à faire des histoires [2]. Des histoires dont la désillusion bien tempérée prend à l’improviste le chemin du cœur.
Giorgio Scerbanenco, Les amants du bord de mer (Al mare con la ragazza, traduit de l’italien par Laurent Lombard), inédit, Rivage poche, coll. "Noir", 2005, 170 pages, 7 €
[1] Le "Giallo" est l’équivalent de la Série noire en France, il a été lancé par l’éditeur Mondadori en 1929. Le mot giallo, d’après la couleur jaune de la couverture de cette collection, est maintenant devenu le nom générique de la littérature noire et policière en Italie
[2] Selon l’expression d’Oreste del Buono, écrivain, journaliste et critique italien