Le 19 avril 2017
A partir d’un événement qui bouleverse tout une communauté, Klimov construit un drame poignant, à la beauté et la profondeur universelles.
- Réalisateur : Elem Klimov
- Acteurs : Alexei Petrenko, Lev Dourov
- Genre : Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Russe
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 2h08mn
- Titre original : Proschanije
- Date de sortie : 4 février 1987
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– Ce film fait partie du coffret Potemkine consacré à Larissa Chepitko et Elem Klimov ; sortie le 25 avril 2017
– Année de production : 1983
Résumé : Un village sibérien est appelé à disparaître pour la construction d’une centrale hydro-électrique. Mais les paysans résistent et se rebellent contre les bureaucrates. La plus acharnée est Daria farouchement attachée à sa terre. Le contremaître du chantier est son fils Peneguine. Il est pris entre les reproches muets de sa mère et la volonté des bureaucrates. Peu a peu les habitants évacuent leur île. Le jour où l’ordre d’inondation est décidé, Daria cachée dans l’île reste introuvable.
Notre avis : Commencé et voulu par sa femme, Les adieux (c’est le titre russe) sera repris par Klimov après le décès accidentel de celle-ci ; c’est dire que, dès le titre, le film s’inscrit dans une gravité et une tristesse que des moments de liesse ne sauraient dissimuler. Dès le début, avec cette étrange séquence des hommes recouverts de plastique, le cinéaste installe un rythme singulier, lent et contemplatif, mais il inscrit aussi son œuvre dans une tonalité sombre et intrigante. La suite, esthétiquement soignée, oppose deux visions du monde : celle, traditionnelle, des samovars, des fenaisons et des vertes discussions interminables coupées de chants, et celle du progrès, du chauffage, de l’électricité et des hommes dans l’espace. À ces deux visions correspondent deux âges que Klimov observe attentivement, souvent de près, dans des gros plans affectueux. Daria en particulier, ridée et sobre, porte le poids d’une société finissante ; sa dérisoire prière au feu semble d’un autre temps, mais c’est elle qui symbolise l’inéluctable avec une force sereine.
Une fois de plus, Klimov prouve sa maîtrise du cinéma : la séquence de la fête, qui mêle les musiques et les générations, débouche sur une baignade qui s’annonce sensuelle (magnifiques images de groupes en clair-obscur, de cette jeune fille surprise en train de se déshabiller) avant qu’un incendie interrompe la liesse. Tout y est, des ruptures de ton à la violence ou à la dérision, tout y est mais rien n’est souligné ; là encore le réalisateur trouve le ton et le tempo justes, mais aussi la distance. Créateur d’images inouïes, il fait de cette communauté un microcosme que la confrontation à une échéance révèle, sait individualiser, quelquefois en une poignée de plans, ces êtres profondément humains.
Mais le film est aussi une réflexion profonde sur l’attachement à la terre, sur la fidélité et, in fine, sur le sens de la vie. À travers le combat de Daria, c’est bien cette interrogation qui surgit et contamine l’ensemble, d’autant que les agitations des hommes s’opposent à une nature d’une beauté stupéfiante (et Klimov célèbre aussi bien la pluie que la verdure ensoleillée) et placide, presque indifférente. La précision des cadrages est au service de cette ode dramatique ; il faudrait tout citer ici, le moindre plan étant soigné jusque dans les fulgurances. Admirons par exemple comment le vieil homme qui met le feu à sa maison dans la deuxième partie est constamment isolé, scène qui finit par le personnage en pied s’excusant face à la caméra. Alors certes, d’aucuns trouveront le temps bien long, et rejetteront sans doute ce rythme contemplatif. Pour les autres, qui sauront déceler les soubassements psychologiques constituant à leur manière une action constante, pour ceux qui seront émus par ce drame particulier et donc universel, Les adieux à Matiora représentera un morceau cinématographique de choix, évoquant lointainement Tarkovski, mais unique et brillant.
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