Léonard de Vinci, la restauration du siècle - la critique + le test DVD

Un passionnant documentaire sur la restauration de la Sainte Anne, présenté dans une édition DVD qui rend justice au chef-d’oeuvre de Léonard.

L’argument : La Sainte Anne est un des plus beaux tableaux du monde, un des plus mystérieux. Mais c’était aussi un tableau malade, défiguré, voire menacé par les « réparations » et les couches de vernis successives déposées au fil des siècles. Pour les sauver, une restauration s’imposait. Une intervention spectaculaire qui s’est étalée sur plus de trois ans, un chantier comme il en existe un par siècle. Cette opération complexe a été l’occasion unique d’être au plus près du tableau tel qu’il a été peint à l’origine, et de mieux comprendre la relation complexe que Léonard de Vinci entretenait avec l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre.

Notre avis : Dans L’œil de l’astronome, Stan Neumann se penchait sur la figure de Kepler pour mieux interroger les mécanismes visuels de l’âge classique et leur étonnante modernité. Visuellement très abouti, le film comportait de saisissantes images qui n’étaient pas sans évoquer la tradition picturale du clair-obscur. Dans ce passionnant documentaire consacré à la restauration de La Sainte Anne, la démarche est en quelque sorte inversée : il ne s’agit plus de faire revivre une époque mais de porter un regard présent sur l’évolution historique d’une œuvre d’art.

En l’occurrence, La Sainte Anne n’est pas n’importe quelle œuvre : on sait par exemple que Freud lui a consacré une analyse très discutée. Représentant la Vierge sur les genoux de Sainte-Anne, elle semble les confondre en une seule et même figure maternelle aux côtés du Christ. Au cours des ans, la toile a subi de nombreuses restaurations durant lesquelles elle s’est retrouvée ternie par l’application barbare de couches de vernis, l’ensemble étant devenu sans grande profondeur jusqu’à la restauration entreprise par le Louvre en 2009 et qui s’est achevée en février 2012.

Avec une minutie passionnée, Stan Neumann retrace le chantier de cette restauration, accordant même une large place aux voix discordantes des spécialistes redoutant la défiguration de la toile originelle. En effet, à mesure que le chantier progresse et que la vivacité plastique du tableau se fait jour, plusieurs critiques émergent pour faire part de leur réserve à l’égard d’une entreprise qui dénaturerait l’équilibre, voire l’esprit de l’ensemble au profit d’une mise en avant des couleurs et des formes peut-être un peu trop provocante au regard des intentions du peintre.

Posant toutes ces questions passionnantes avec une mise en scène soignée et un sens parcimonieux du détail, Stan Neumann scrute les moindres faits et gestes de l’équipe de restauration. Parfois inquiète, sa caméra interroge la brusquerie des uns, la délicatesse des autres, faisant du tableau un objet d’art à part entière, indépendamment du seul intérêt que présente son sujet. On apprend donc au passage quantité de choses sur l’histoire de la peinture, des méthodes de conservation, mais aussi sur l’œuvre de Léonard de Vinci, qui intervient souvent en contrepoint pour expliquer le recours à tel ou tel procédé. L’ensemble bénéficie enfin d’un sens de la durée très appréciable, nous épargnant les digressions inutiles et faisant de cette restauration un objet filmique dont l’intérêt dépasse de loin le seul cadre des spécialistes.

Les suppléments :

Un seul complément de programme mais un complément de taille, puisqu’il s’agit d’un épisode de la série culte "Palettes" consacrée au tableau. Outre l’analyse de la composition et l’apport d’un certain nombre d’éléments historiques/biographiques, le choix de ce supplément met pleinement en valeur la restauration du tableau, puisque l’analyse qu’il renferme est nettement tributaire de la version "non restaurée" (par exemple lorsque Jaubert fait allusion à la "fadeur" des manches) en contradiction avec le nouvel état de l’oeuvre.

L’image :

Beau travail de restitution des couleurs. On assiste vraiment à la métamorphose de l’oeuvre. Le choix du format 16/9 donne de l’ampleur au style minutieux de Neumann. Ses cadrages sont impeccables et l’ensemble, d’une fluidité parfaite.

Le son :

Un son un peu faible, qui permet certes d’apprécier l’élégance de l’arrière-fond musical grâce au Dolby Stereo, mais dont le mixage frôle parfois la confusion lorsque le commentaire de la narratrice – dont la voix est au demeurant très sobre, posée, et donc très « lisible » - se superpose aux débats des différents spécialistes. L’ensemble est proposé en VF ou version anglaise, au choix.