L’astronome et le cinéaste
Le 28 août 2023
Ludique et instructif, L’œil de l’astronome se regarde avant tout pour ses qualités didactiques et sa grande précision documentaire.
- Réalisateur : Stan Neumann
- Acteurs : Denis Lavant, Lou Castel, Max Baissette de Malglaive, Sandrine Blancke, Élise Caron, Fabrizio Rongione, Airy Routier, Axel Bogousslavsky
- Genre : Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Paradoxe
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 22 février 2012
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Été 1610. Un des premiers télescopes inventés par Galilée arrive enfin à Prague, la capitale de l’Empire germanique. Pendant dix nuits, Jean Kepler, astronome de Rodolphe III, peut enfin explorer le ciel à l’aide de la nouvelle invention et voir ce que personne encore n’a jamais vu. La terrasse où Kepler installe son observatoire devient le lieu où la cour impériale se donne rendez-vous. Nuit après nuit, on y vient comme au spectacle, regarder dans le télescope, assister à la dissection d’un œil humain, comploter contre l’empereur. Au cœur de cette agitation Jean Kepler, inclassable et inlassable, trace sa voie singulière entre la science et la superstition, la liberté et l’intolérance.
Critique : L’œil de l’astronome a tout d’abord le mérite de mettre à l’honneur la vie scientifique du XVIIe siècle, période qui intéresse généralement peu les cinéastes en-dehors des diverses représentations de la Cour qu’elle peut inspirer. À travers le portrait de Jean Kepler, incarné par l’impeccable Denis Lavant dont la performance porte quasiment à elle seule le propos du film, Stan Neumann dresse le tableau d’une époque où les lignes de partage entre la science et la superstition sont plus minces qu’il n’y paraît. En effet, c’est peut-être moins sur fond de croyances populaires que s’effectuent les observations du scientifique que dans un contexte de menace particulièrement lucide à l’encontre du pouvoir (sorte de complot pour écarter l’empereur du trône), si bien que l’opposition classique entre "obscurantisme" et "lumières" se trouve légèrement décentrée au profit d’une autre ligne de partage : celle qui distingue le scientifique solitaire (appelons-le le philosophe, à la pleine lumière de ce que le terme signifiait à l’époque) de la sphère collective du pouvoir où se jouent des rapports de force pas toujours propices aux découvertes astronomiques. De la division schématique entre lumière et pénombre, Stan Neumann retient surtout son incarnation visuelle qui donne au film toute sa beauté ténébreuse, l’image atteignant parfois à la perfection visuelle d’un clair-obscur dont on sait qu’il est l’un des motifs privilégiés de la peinture à cette époque (magnifique travail de Matthieu Poirot-Delpech !)
- © 2012 Les Films d’Ici. Tous droits réservés.
L’ensemble offre une précision documentaire très éclairante pour comprendre, en la contextualisant, la démarche de Kepler, qui apparaît comme une figure incertaine, en proie au doute et à la cécité - le comble pour un observateur du ciel - mais aussi comme un homme capable d’impressionner l’auditoire par ses raisonnements emphatiques et son sens du discours (voir à cet égard le rapport de séduction discrète avec la princesse). En cela le film interroge avec pertinence le lien entre création et recherche scientifique, lien que soulignent très largement les nombreuses et très ludiques allusions au pouvoir du cinéma - ici désigné de manière indirecte, comme un instrument télescopique qui permettrait de voir autre chose que la réalité, au risque d’apparaître comme un outil dangereux pour l’époque. Cet esprit ludique concourt à faire de L’œil de l’astronome une œuvre instructive, qui bénéficie par ailleurs d’un sens très appréciable de l’économie de moyens (1h30 étant un format idéal pour ce genre de productions), mais dont il faut reconnaître que la valeur documentaire excède très largement l’intérêt dramatique ; ou pour le dire autrement, peut-être moins un film de fiction historique qu’une sorte de fiction documentaire, qui offre l’avantage d’être accessible à tous les publics sans tomber dans le piège de la vulgarisation maladroite, mais dont le format correspond sans doute davantage à celui d’un téléfilm qu’à une œuvre projetée sur grand écran.
- © 2012 Les Films d’Ici. Tous droits réservés.
C’est donc au regard de ces choix didactiques, dans le sens le plus noble du terme, que s’apprécie la sobriété d’une œuvre à faire découvrir aux enfants, histoire de les familiariser avec une époque bien plus riche que les caricatures scolaires qu’on en dresse parfois.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.