Le 2 juillet 2020
Dans ce roman foisonnant, Shumona Sinha relie l’Inde à l’URSS de sa plume poétique et parfois nébuleuse...
- Auteur : Shumona Sinha
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Indienne, France
- Date de sortie : 12 mars 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : A Calcutta, en 1980, la vie n’est pas toujours aisée pour les jeunes femmes, surtout lorsqu’elles sont haïes par leur mère. Tania se réfugie ainsi dans des romans soviétiques des années 1930, adhérant à l’utopie des travailleurs et se prenant de passion pour les publications des éditions Raduga. Elle décide d’enquêter sur la vie de leur créateur et finira par écrire à sa fille, Adel Kliatchko, matérialisant le pont aérien entre Russie et Inde...
Critique : La plume de Shumona Sinha, auteure de plusieurs anthologies de poésie française et bengalie, emporte le lecteur dans un ailleurs, ouvre une porte sur un autre monde, fait d’images et de reflets qui éclosent grâce à des métaphores habilement filées.
Le testament russe flotte entre deux eaux, entre Russie et Inde, entre fin du XXème siècle et 1930. D’un côté du continent, Adel Kliatchko, fille de Lev, éditeur notoire en son temps à la vie tristement réelle dont ce roman s’inspire librement. De l’autre, Tania, jeune fille bengalie qui échappe à son quotidien sombre et violent en s’immergeant dans les romans russes traduits dans sa langue et vendus par l’échoppe de bouquiniste que tient son père. De vieux livres sont donc les liens qui unissent ces deux femmes, l’une octogénaire, l’autre n’ayant pas vingt ans. La maison d’édition Raduga a subi le courroux du régime soviétique, la censure ; les auteurs protégés de Lev n’ont pas tardé à le quitter pour se sauver, laissant l’éditeur exsangue et dépérissant, en manque de l’encre qui coulait dans ses veines. Cela, Tania ne le sait pas – tout ce qu’elle imagine, c’est l’URSS fantasmée des étudiants militants de Calcutta, le régime supposément égalitaire qu’on lui présente à l’institut Gorky Sadan, où elle étudie la langue de Tolstoï. L’utopie qu’elle bâtit dans son esprit lui permet d’oublier l’intolérance de son pays, le système de castes, la haine de sa mère, la tristesse passive de son père. Sans s’appesantir sur ces sujets qui gangrènent pourtant son pays natal, l’auteure préfère les effleurer du doigt pour mieux repartir dans le passé russe, auprès des livres et des albums jeunesse de Tchoukovski, de Samuil Marshak, de Vitaly Bianki et de tous les autres grâce auxquels se sont développées les éditions Raduga, avant de partir en fumée, victimes de l’autoritarisme de la dictature, de la censure, des Grandes Purges (1936-1938). Oscillant entre Seconde Guerre Mondiale et Perestroïka, entre Staline et Gorbatchev, ce roman est gorgé de noms réels et fictifs, de rues mythiques, de références. Il est foisonnant, d’une richesse étourdissante – et plus russe qu’indienne. Ce fourmillement est véhiculé par des mots un peu flous, d’une poésie sensible et déstabilisante. Les phrases sont courtes, mais chacune crée un univers dont la matière se développe à partir d’images étonnantes et vaporeuses. Le testament russe n’est donc pas un roman pour les lecteurs terre-à-terre, se hissant hors de portée des prosaïques et leur préférant les amateurs de vers.
Shumona Sinha - Le testament russe
Gallimard
208 pages
140 x 205 mm
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