Le Solitaire - le test DVD

Premier long métrage, premier coup de maître pour un Michael Mann dont Le Solitaire, pierre angulaire de sa filmographie, ressort dans un brillant écrin... subtilement célébré par la plume du regretté Michael Henry Wilson.

L’argument : Après onze ans passés en prison, Frank, un talentueux voleur de bijoux, décide de se lancer dans un dernier coup avant de se ranger pour de bon avec son ami Jessie.

Le film : C’est alors que s’apprête à sortir en France l’excellent, et néanmoins complètement incompris Hacker, que Wild Side Vidéo gratifie nos contrées d’une très belle édition du premier long métrage de Michael Mann : Le Solitaire. Une merveille, à redécouvrir d’urgence avant de se plonger dans les salles obscures françaises pour défendre la liberté artistique du dernier "enfant" du Nouvel Hollywood, dont la rivalité avec Friedkin, comme le note Michael Henry Wilson, "n’a d’égal que leur estime mutuelle" (véritable échec financier aux États-Unis, la dernière réalisation de Mann va devoir compter sur l’international pour rentrer dans ses frais).

© Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc.

© Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc.

Portée par un protagoniste inoubliable (James Caan livre ici sa meilleure composition, maintes et maintes fois prise en exemple à L’Actors Studio), la première réalisation du créateur de Heat est clairement résumée par feu Michael Henry Wilson dans son excellent ouvrage d’entretien intégré au coffret : "Ce cinéma d’apparence austère est en fait un incroyable foisonnement de lumières et de vie. Stellaire, œuvre culte, Le Solitaire est l’un des films les plus accomplis d’un cinéaste de légende." Mais c’est aussi, comme le clame Caan dans son entretien vidéo agrémentant les bonus, la première expérience d’un réalisateur se plaisant à transmuter ses protagonistes en "lui-même", introduisant par là même une monomanie métafilmique qui dès 1981, était génialement symbolisée par un simple collage d’images de toute une vie.

© Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc.

© Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc.

Unanimement encensé par la presse, Thief est fréquemment taxé d’une "incroyable maîtrise formelle", qui viendrait presque occulter la présence de tourments fondamentaux et thématiques qui, encore aujourd’hui, agitent toujours la carrière du cinéaste (jeux de miroirs entre les paysages industriels romantiques et personnages "manniens" opposés à leur double, ambiances nocturnes où se nichent les errances psychologiques, fatalisme se cramponnant à des êtres humains dont les "boulots" sont indissociables de leurs anéantissements annoncés etc.). En partant d’un scénario original, que Michael Mann viendra remettre en main propre à James Caan, l’auteur fait montre d’un incroyable penchant pour la noirceur abyssale, dont le pessimisme tend ici vers une sorte de nihilisme abrupt. En se contraignant à un "traitement rigoureux" également évoqué par Henry Wilson, le cinéaste accouche d’un premier film racé, à la mise en scène naviguant entre esthétisme contemplatif (sublimes scènes au bord de l’eau) et le cinéma vérité pour son côté historique et réaliste du récit (certaines répliques du long métrage sont celles véritablement partagées par les flics et les voyous, consultants du projet) ! Michael Mann, du haut de ses 72 ans, reste un réalisateur à la liberté totalement unique au sein du Hollywood contemporain. Son travail fait actuellement l’objet d’une analyse (menée par votre serviteur), qui sera éditée en France pour la sortie de Hacker.

La critique ICI

Les suppléments :

On doit se contenter de quelques liens Internet, d’une bande-annonce et d’un entretien avec James Caan. Heureusement, ce dernier est fascinant et mené à bâtons rompus, il confirme quelques anecdotes relatives au travail monomaniaque de Michael Mann : le "perfectionniste immodéré".
Il faut également prendre en compte le superbe livre d’entretien de Michael Henry Wilson, dont les rencontres avec le cinéastes sont aussi rares que précieuses. Ces entrevues entre deux amoureux du septième art (publiées par la revue Positif), délaissent le côté anecdotique pour se concentrer sur des analyses "thématiques et stylistiques"... passionnant !

L’image :

Pour cette période de tournage sous l’ère de l’argentique (au format 1.85), on est proche de l’excellence... La précision d’image rend pleinement hommage au travail Donald E. Thorin, qui semble suivre les recommandations colorimétriques du cinéaste, recommandations qui seront par la suite transcendées par Dante Spinotti. Les ambitions esthétiques sont déjà de haute volée et les captations nocturnes superbes : elles sont ici remarquablement retranscrites par la copie de qualité.

Le son :
Le Collector en combo (Blu-ray + DVD + Livre) propose une piste VO en DTS Master Audio 2.0 et 5.1, ainsi qu’une piste française DTS Master Audio 2.0. N’ayant pas pu mettre la main sur la version HD du film, mais uniquement sur un master DVD, on s’abstiendra de commentaires, les cinéphiles n’envisageant pas en 2015 lire un test DVD de cette pépite eighties, dont la bande-originale est signée Tangerine Dream...