Le 10 janvier 2019
Le seul péplum de Sirk ne compte pas parmi ses œuvres majeures, mais sa vision d’Attila ne manque pas de panache.


- Réalisateur : Douglas Sirk
- Acteurs : Jack Palance, Ludmilla Tcherina, Jeff Chandler
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Elephant Films
- Durée : 1h32mn
- Box-office : 1 883 107 entrées France / 365 744 Paris Périphérie
- Titre original : Sign of the Pagan
- Date de sortie : 8 avril 1955

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– Année de production : 1954
Résumé : Roi des Huns, Attila tente de conquérir l’empire romain.
- © Universal Pictures. Tous droits réservés.
Notre avis : Ceux qui attendent un péplum bondissant en seront pour leurs frais : Sirk, même dans ce genre codé, reste un cinéaste de l’intime, imperméable aux chevauchées, rares, comme aux batailles, vite expédiées – et pas vraiment avec bonheur : la seule réellement filmée, à la fin, tient plus du corps à corps que de la confrontation d’armées. Il y avait là de quoi faire une épopée grandiose traversée par un souffle puissant. Ce n’est pas la voie qu’a choisie Sirk : il se désintéresse visiblement de l’action et du faste, aidé en cela par des moyens limités ; le carton pâte et les toiles peintes règnent en maître.
Ce qui le fascine en revanche, c’est le personnage d’Attila, incarné par un Jack Palance d’anthologie. Mais il fait de lui un être complexe, quasi tragique, loin du barbare féroce que la légende a forgé : d’abord vu comme un homme sûr de lui et agressif, il apparaît bientôt miné par une vision ancienne, prisonnier d’un devin qui ne cesse de lui annoncer des mauvais présages. Aussi sombre-t-il peu à peu dans le doute mortifère, jusqu’à le conduire à une ironie dramatique, puisqu’il meurt dans un combat qu’il voulait éviter.
Le film se charge également d’un thème religieux, ce qui n’est pas très original dans le péplum, sauf que là encore, Sirk innove : si Attila se confronte au christianisme, ce n’est pas pour avoir une révélation ; sa fille se convertit en une séquence dont on se demande si elle n’est pas parodique, mais lui n’éprouve qu’une peur de type surnaturel. Les croix omniprésentes l’effraient, la foudre l’angoisse, et il cherche vainement à se concilier un Dieu qu’il ne comprend pas. De là viennent les meilleures séquences du film : l’irruption dans l’église et, surtout, le surgissement du pape dans une barque comme portée par la brume. Ce ne sont pas les seules beautés du métrage : les éclairages et l’utilisation des couleurs magnifient les scènes d’intérieur, notamment dans les tentes des Huns. De même creuse-t-il savamment les ombres, en particulier sur le visage si anguleux de Palance.
Le reste, à vrai dire, n’a pas beaucoup d’intérêt. Les amours entre Pulchérie et Marcian, tous deux droits et francs, s’abîment dans le conventionnel, le personnage de Kubra, la fille d’Attila, n’existe vraiment que par sa mort brutale, et les autres, de l’empereur au général, sont dessinés à grands traits. Ce sont les limites d’une œuvre rare, mineure, et néanmoins singulière.
- © Universal Pictures. Tous droits réservés.