Le 14 juillet 2020
Le film de Garrel est fidèle à l’univers et au style poético-réaliste que le cinéaste déploie depuis un demi-siècle. Si l’effet de surprise est moindre, cet opus n’en reste pas moins attachant.
- Réalisateur : Philippe Garrel
- Acteurs : André Wilms, Virgil Leclaire, Michel Charrel, Oulaya Amamra, Louise Chevillotte, Souheila Yacoub, Logann Antuofermo, Stefan Crepon
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Suisse
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 14 juillet 2020
- Festival : Festival de Berlin 2020
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Résumé : Les premières conquêtes féminines d’un jeune homme et la passion qu’il a pour son père. C’est l’histoire d’un jeune provincial, Luc qui monte à Paris pour passer le concours d’entrée à l’École Boulle. Dans la rue, Il y rencontre Djemila avec qui il vit une aventure. De retour chez son père, le jeune homme retrouve sa petite amie Geneviève alors que Djemila nourrit l’espoir de le revoir. Quand Luc est reçu à l’École Boulle, il s’en va pour Paris abandonnant derrière lui sa petite amie et l’enfant qu’elle porte…
Critique : On pourrait être bref et réducteur, et affirmer que Philippe Garrel refait le même film depuis Anémone et Marie pour mémoire (1968) : du cinéma de chambre, minimaliste et intimiste, axé sur les problèmes de couple et les difficultés à trouver un sens à son existence. La présence de collaborateurs récurrents du cinéaste depuis quelques années semble conforter cette impression : le scénario limpide d’Arlette Langmann et Jean-Claude Carrière, le beau noir et blanc de Renato Barta, la musique romanesque mais sobre de Jean-Louis Aubert. On ajoutera à cette reconnaissance des lieux la peinture d’un univers artisanal et créatif (ici l’École Boulle), du malaise de la jeunesse et des rapports intergénérationnels. Mais c’est le propre des grands auteurs d’être fidèles à leur univers. Et ce serait oublier que Garrel a tenté d’explorer d’autres voies, du pur underground fauché (La cicatrice intérieure, 1972) au produit culturel plus institutionnel (Le vent de la nuit, avec Deneuve, en 1999). Sur le plan qualitatif, Le sel des larmes est supérieur aux maladroites expérimentations de J’entends plus la guitare (1991) ou La frontière de l’aube (2008), mais n’égale pas les sublimes beautés de Liberté, la nuit (1984) ou L’ombre des femmes (2015).
- Copyright G.-Ferrandis-©-2019-RECTANGLE-PRODUCTIONS-CLOSE-UP-FILMS-ARTE-FRANCE-CINÉMA-RTS-RADIO-TÉLÉVISION-SUISSE-SRG
Garrel gagne en lisibilité ce qu’il perd en ellipses poétiques, non-dits et aptitude à susciter une émotion purement formelle. On s’attache pourtant à ce personnage d’adulescent mi-Don Juan, mi-romantique, qui séduit successivement trois figures féminines distinctes : la sentimentale Djemila, la sensuelle Geneviève, et la dominatrice Betsy. Transcendant un matériau de roman-photo d’auteur, Garrel reste unique dans sa capacité à filmer ces instants de vie où des personnages ambigus affrontent leurs contradictions : ainsi le séducteur Luc, en apparence sincère, mais infidèle et expert dans l’art de faire souffrir les femmes, se trouve déstabilisé et en situation d’arroseur arrosé, face au ménage à trois que tente de lui imposer Betsy. Un plan sur une cravate attachée à une poignée de porte, signal de l’indisponibilité de la conjointe, et le contrechamp révélant le trouble du protagoniste, révèlent l’art de Garrel, maître de l’économie de moyens et du dépouillement narratif. « J’ai compris qu’on n’était pas meilleur avec des budgets trois fois supérieurs et tout ce que cela impliquait. On a autant sa chance de faire un très bon film avec un petit budget, pour peu qu’on soit très pratique et qu’on sache bâtir ce type de film. Cette contingence économique a recréé un style, un style que je garde », a déclaré le cinéaste.
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On appréciera aussi de délicieux anachronismes (les échanges épistolaires à l’heure du tout-numérique), ainsi que plusieurs éléments plus ou moins autobiographiques : le lien entre Luc et son paternel évoque le rapport entre le cinéaste et son père, le comédien Maurice Garrel, mais aussi la relation de filiation, intime et professionnelle, que le réalisateur entretient avec ses enfants, les acteurs Louis et Esther Garrel. L’artisanat de l’ébéniste supplante ici celui du cinéaste confidentiel, mais le rapprochement est émouvant. Il faut ici souligner la qualité du casting. Le vétéran André Wilms (La vie est un long fleuve tranquille, Le Havre) offre le meilleur de lui-même, quand les jeunes Oulaya Amamra (Divines) et Souheila Yacoub (Climax) apportent une vraie plus-value au métrage, dans la lignée des Anne Wiazemsky et Christine Boisson, dirigées naguère par le cinéaste.
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