Le doigt dans le bocal
Le 25 avril 2011
Un premier film singulier qui cultive le goût du bizarre et sait installer le trouble en naviguant dans l’entre deux crépusculaire où affleure l’envers inquiétant du quotidien.
- Réalisateur : Laurent Tuel
- Acteurs : Zinedine Soualem, Margot Abascal, Antoine Chappey, Howard Vernon, Jean-Christophe Bouvet, Simon Reggiani
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : La Vie est Belle éditions
- Date de sortie : 24 avril 1996
- Plus d'informations : http://www.lavieestbellefilms.fr
L'a vu
Veut le voir
–
– Durée : 1h05mn
Un premier film singulier qui cultive le goût du bizarre et sait installer le trouble en naviguant dans l’entre deux crépusculaire où affleure l’envers inquiétant du quotidien.
L’argument :Sandrine rêve de devenir chanteuse à Paris. Elle rencontre Gérald, l’ancien petit ami de son frère, que celui-ci a quitté pour chercher à travers le monde un autre idéal de vie.
Gérald la convainc de venir s’installer dans son appartement et décide de prendre en main l’avenir de Sandrine. Il lui organise des rendez-vous érotiques, la conduit chez les clients, et l’attend.
A chaque rencontre, Gérald la questionne un peu plus. Jusqu’au jour où il pénètre chez l’un de ces clients...
Notre avis : Sélectionné à Cannes en 1995 dans la section Cinéma en France, le premier long-métrage de Laurent Tuel (Jean-Philippe) révéla un jeune cinéaste à l’univers singulier, croisement, selon son confrère Jean-Claude Guiguet, de Nicolas Ray et de Mario Bava.
Basé sur un fait divers (une histoire de minitel rose), le film, s’attachant à décrire une relation trouble à base de non-dit, de voyeurisme et de manipulation, cultive le goût du bizarre et sait installer une atmosphère à la fois cocasse et inquiétante, entre réalisme glauque, comédie aux accents grotesque et plongées dans l’effroi.
La photo de Stéphane Krausz, à qui Tual a demandé de s’inspirer de celle des films des Frères Coen, réussit à révéler l’étrange poésie de décors réels tels qu’un hôtel miteux, une salle de billard défraîchie, de tristes pavillons de banlieue ou les terrains vagues aux abords du Périf.
Cet univers peu rassurant est peuplé de personnages non moins bizarres. De Howard Vernon (hommage à Jesus Franco et à Jean-Claude Biette ?), en vieux papa fétichiste et pathétique, à Jean-Christophe Bouvet (autre Biettien), en flic-bourreau d’une cérémonie sado-maso, en passant par André Schmitt, épatant en patron du Louxor, la boite où l’héroïne passe une audition, toutes ces apparitions sont saisissantes et la moindre silhouette (la mère du client handicapé ou l’infirmière trop maternante) est à la fois monstrueuse et attachante.
Hanté par un absent (le frère dont une des cartes postales qu’il envoie de loin en loin donne son titre au film), Le Rocher d’Acapulco flirte constamment avec le fantastique, voire le film d’horreur.
En effet, à l’instar du personnage de Gérald, génialement interprété par Antoine Chappey, qui ne cesse de se mettre en danger en provoquant des situations périlleuses qu’il appelle et redoute à la fois, le spectateur est partagé entre l’appréhension et l’espoir de voir éclater à l’écran la violence que l’on sent à deux doigts de surgir à chaque instant, les situations les plus banales pouvant aisément déraper et l’apparente gentillesse pouvant se muer en cruauté.
Et ça dérape en effet plus d’une fois, mais Tual, qui a retenu la leçon d’un Jacques Tourneur, sait que la peur se nourrit surtout de ce qu’on redoute de voir et qui ne se réalise pas ou bien reste hors champs et que c’est en rendant inquiétants les détails les plus banals et en apparence inoffensifs que l’on peut le plus sûrement déstabiliser le spectateur.
Quoi de plus troublant en effet que de voir Sandrine (impénétrable Margot Abascal) mettre machinalement le doigt dans le bocal du poisson rouge cher à son hôte avant de passer à l’acte dans la scène qui est peut-être la plus terrifiante du film. (N’en disons pas plus).
Toujours intriguant et par moments vertigineux, ce voyage en douce dans la zone d’entre deux crépusculaire où affleure l’envers inquiétant du quotidien réserve de jolis moments de frisson et d’émotion.
— -
Le DVD
Peu vu à sa sortie malgré un excellent écho critique Le Rocher d’Acapulco se voit offrir une nouvelle chance grâce à une remarquable édition DVD disponible le 3 mai 2011.
Les suppléments
Le menu est copieux et de qualité. Nous avons droit à :
– deux courts métrages réalisés par Laurent Tuel avant Le Rocher d’Acapulco : Le jour de chance (1992), cruels jeux d’enfants dans un terrain vague filmés en noir et blanc, et
Hillbilly Chainsaw Massacre (1995), parodie potache de film gore avec Melvil Poupaud, Chiara Mastroianni et Matthieu Demy.
– Le Morceau caché (1999), un remarquable documentaire consacré à Dominique A, ainsi qu’un vidéo-clip de ce dernier (Je suis une ville), tous deux signés Laurent Tuel.
– Des interviews croisées de Laurent Tuel, le chef opérateur Stéphane Krausz, Margot Abascal et Antoine Chappey nous donnent des informations de première main sur les conditions de tournage et la réception du film.
Image
Définition moyenne mais bonne colorimétrie pour ce report correct qui rend assez bien justice à la belle photo de Stéphane Krausz, attentif justement à ne pas produire une image trop léchée.
Son
Voix, bruits et musiques (signées Alexis Pécharman et Laurent Tuel) sont correctement reproduites sur une bande son en Dolby 2.0 sans éclat particulier mais sans défaut notable.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.