Un affrontement classique pour un combat entre « poids-lourds » des échecs
Le 15 septembre 2015
L’histoire vraie d’un génie des échecs défiant l’Union soviétique en pleine guerre froide.
- Réalisateur : Edward Zwick
- Acteurs : Tobey Maguire, Liev Schreiber, Peter Sarsgaard, Michael Stuhlbarg, Evelyne Brochu
- Genre : Biopic, Historique
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h54mn
- Titre original : Pawn Sacrifice
- Date de sortie : 16 septembre 2015
L'a vu
Veut le voir
Au travers d’une réalisation conventionnelle, nous suivons la vie d’un champion, tandis qu’il lutte contre une paranoïa naissante. Edward Zwick s’est décidé à porter à l’écran ce scénario abandonné dans les tiroirs d’Hollywood depuis 2009. Etait-ce vraiment nécessaire ?
L’argument : L’histoire de Bobby Fischer, le prodige américain des échecs, qui, à l’apogée de la guerre froide se retrouve pris entre le feu des deux superpuissances. Il doit défier l’Empire Soviétique lors du match du siècle contre Boris Spassky. Son obsession de vaincre les Russes va peu à peu se transformer en une terrifiante lutte entre le génie et la folie de cet homme complexe qui n’a jamais cessé de fasciner le monde.
Notre avis : D’emblée, cette histoire vraie d’un génie sombrant progressivement dans la paranoïa nous fait penser à des personnages tels que John Nash dans Un homme d’exception ou Howard Hughes dans Aviator. La différence est que nous nous situons ici en période de guerre, où le champ de bataille prend la forme d’un échiquier. Le scénario, écrit en 2009 par Steve Knight (Les promesses de l’ombre, Locke), figurait depuis sur la « liste noire » des meilleurs scripts hollywoodiens en attente de trouver preneur.
Le réalisateur Edward Zwick oscillait jusqu’à présent entre les épopées socio-historiques (Glory, Les Insurgés, Légendes d’Automne) et les thrillers militaires (Couvre-feu, A l’épreuve du feu, Le Dernier samouraï, Blood Diamond). On peut reconnaître qu’il sait prendre le temps de poser une histoire et d’y intégrer des scènes d’action bien rythmées et chorégraphiées. Cette fois-ci, les affrontements sont psychologiques. Le cinéaste nous prouve que ce sport peut être cinégénique en restituant la tension des « scènes de guerre ». Il choisit délibérément d’utiliser les réactions et commentaires des personnages au fur et à mesure des jeux, plutôt que d’axer la caméra sur le jeu en lui-même. En vulgarisant les duels pour les néophytes, le résultat est limpide et prenant.
{{© Metropolitan FilmExport}}
Le titre orignal du film, Pawn Sacrifice, décrit la stratégie de sacrifier un pion pour obtenir une pièce adverse ou un avantage positionnel. Mais c’est aussi une métaphore, où Bobby Fischer pousse sa santé mentale défaillante à ses limites afin d’atteindre ses ambitions de titre mondial. Le mythique combat Fischer-Spassky se déroule durant la période historique de la Détente, où les conflits ne sont pas directs, mais se livrent sur d’autres terrains comme le sport. Nous n’avons pas affaire à une guerre de missile, mais plutôt à une guerre d’image avec un enfant de Brooklyn faisant face à l’Union soviétique. Ce champion devient donc sans le vouloir le pion médiatique des Etats-Unis. A ce propos, on regrette que la notion géopolitique et l’impact médiatique ne soient pas suffisamment appuyés dans le film. Et pourtant, ces aspects auraient pu amplifier la tension relative à l’importance des matchs, et par corrélation notre capacité à saisir la pression subie par les deux joueurs. Bien que le film ait recours à quelques images d’archives ponctuant le récit, le spectateur ne mesure pas assez l’utilisation de ce face-à-face comme outil de propagande. Or, il y avait largement matière pour souligner un parallèle entre guerre et échecs. Nous avions de chaque côté un bloc antagoniste (cases noires et blanches), un combat militaire (course à l’armement), et un affrontement culturel.
{{© Metropolitan FilmExport}}
Tobey Maguire incarne avec précision et fragilité cet esprit troublé habitant un être complexe et impertinent. Avec une performance énergique et captivante, on peut voir le comportement contradictoire de ce génie entre sa vie et l’univers des échecs. Dans la vie, son asociabilité résulte de son isolement et de sa recherche de la perfection qui le font progressivement sombrer dans la paranoïa. Bobby Fischer s’inflige une pression afin de devenir le meilleur. Il est prêt à tout sacrifier aux dépens de ses proches et des relations humaines. Le film revient sur toute sa vie, et nous le montre comme un hyperactif dès son plus jeune âge. Il est émotionnellement déstabilisé dès son enfance, par un père inconnu et une mère d’origine juive allemande soupçonnée par le gouvernement d’être une sympathisante communiste. On arrive donc à bien cerner certaines causes de sa maladie et de sa méfiance envers les autres. L’acteur se transforme avec sincérité en cet homme mégalo-délirant, masquant sa peur de la défaite par une arrogance démesurée. Dans l’univers des échecs, il étudie avec exactitude le comportement des adversaires et s’emploie à rester méticuleux. Sa maladie prenant le dessus, il dévoue cependant tout son temps à se perfectionner et défier les meilleurs joueurs du circuit. Entouré de ses proches, ses managers ou ses adversaires, Bobby Fischer est malheureusement le seul personnage suffisamment développé et attrayant, tous les projecteurs étant braqués sur lui. Nous n’arrivons donc pas à partager l’empathie et l’incompréhension que ressentent les autres protagonistes à son encontre. Cela nous empêche de rentrer plus en profondeur dans cet univers.
En dehors du challenge de mettre en scène un affrontement historique, ce drame psychologique reste conventionnel dans son genre. Il ne réussit pas à susciter notre compassion et aurait mérité des personnages plus creusés afin d’être raccord avec ses ambitions. Bien que Le Prodige ne traite que trop légèrement de l’impact géopolitique, la performance de Tobey Maguire permet cependant d’apprécier le film et de nous intéresser à ce personnage à la fois obscur et fascinant.
{{© Metropolitan FilmExport}}
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.