Le 10 août 2018
Souvent jugé mineur, ce film impeccablement réalisé mérite plus que de l’indulgence : c’est une réflexion puissante sur les apparences et l’héroïsme.
- Réalisateur : Fritz Lang
- Acteurs : Ray Milland, Hillary Brooke, Alan Napier, Marjorie Reynolds, Carl Esmond
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Ciné Sorbonne (reprise)
- Durée : 1h26mn
- Reprise: 29 août 2018
- Titre original : Ministry of Fear
- Date de sortie : 7 juillet 1948
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– Année de production : 1944
Résumé : Un homme gagne, lors d’une vente de charité, un gâteau bourré de microfilms et se retrouve mêlé, malgré lui, à une inquiétante affaire d’espionnage au cours de laquelle il est poursuivi par les services secrets nazis.
- Copyright Universal Pictures. TOUS DROITS RÉSERVÉS. Affiche originale du film, distribué par Paramount Pictures
Notre avis : Réalisé après Man hunt, Les bourreaux meurent aussi et avant Cape et poignard, Le ministère de la peur, connu aussi sous le titre Espions sur la Tamise fait partie des œuvres de propagande anti-nazie que Lang a tournées, pour les trois premières, pendant la guerre. Moins aimée, y compris par le cinéaste lui-même, cette adaptation de Graham Greene n’est pourtant pas sans charmes, surtout si l’on admire la rigueur et la concision qui président à chaque séquence, comme une signature patente.
- © 2018 Universal Pictures. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
Le scénario n’est pas d’une extraordinaire finesse et ne possède pas, par exemple, la charge émotionnelle de Man hunt ; il vise plutôt la tension permanente, faisant se succéder des scènes fortes sans les lier perpétuellement entre elles : ainsi les trajets d’un point à l’autre sont-ils entièrement supprimés, dans ce film où l’on ne cesse de restreindre l’action à des lieux clos, balayés par des travellings soyeux. Et de l’action, il y en a beaucoup, mais pas au sens du spectaculaire actuel ; c’est sur les retournements de situation, les masques et les apparences que se fonde cette histoire abracadabrante que Lang raconte de manière linéaire et puissamment ramassée, épurée.
- © 2018 Universal Pictures. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
On y suit les aventures d’un « héros malgré lui » à la Hitchcock pris dans les rets d’un complot nazi auquel il est associé par hasard, lors d’une kermesse de charité. Homme lisse (et Ray Milland est parfait pour ce rôle) et perpétuelle victime, jouet de forces qui le dépassent, trompé, assommé, piégé à l’explosif, Stephen Neale passe son temps à chercher (et trouver) de l’aide : un détective, une étrangère dont il tombe amoureux, son frère et un policier. D’ailleurs ce n’est pas lui qui tue le méchant ou vient à bout de ses sbires. Son mérite, néanmoins, est de s’entêter alors qu’il pourrait, après la première péripétie, abandonner. Il s’entête donc, avance toujours, mais dans une réalité floue où chaque personnage peut cacher un ennemi. Lang s’amuse à retrouver la verve de ses films allemands (Les espions, Docteur Mabuse, M) auxquels il fait référence avec quelques clins d’œil mais s’il conserve un esprit de sérieux presque imperturbable, c’est que l’heure est grave : la fiction paranoïaque s’inscrit dans le réel, les nazis parfaitement intégrés formant une cinquième colonne inquiétante à l’heure du tournage. Le cinéaste s’attache à montrer un Londres gangrené par l’ombre (réelle et symbolique) où tout passant est un danger potentiel, et il multiplie les jeux sur les apparences : une voyante est une espionne, une autre (mais elle porte le même nom) triche lors d’une séance de spiritisme, un poursuivant menaçant se révèle policier, etc. On n’en finit pas de se faire berner par des personnages puisque Lang a prévu qu’on en sache aussi aussi peu que son héros, exception faite de l’aveugle très tôt démasqué par la caméra.
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Suite de séquences haletantes, reflet d’une angoisse contemporaine du tournage, Le ministère de la peur est également un modèle de construction centré sur des motifs et des objets mis en valeur : le cercle, le bruit de la canne, les ciseaux du tailleur, le gâteau évidemment. Ces éléments structurent en profondeur un film qui dépasse la simple propagande pour se muer, par la grâce d’une mise en scène totalement maîtrisée (les cadrages, la fluidité des travellings, la beauté du noir et blanc), en œuvre cohérente. Pas majeure, sans doute, mais admirable.
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- Affiche reprise 2018 - Le Ministère de la peur © 2018 Universal Pictures. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
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