Littérature
Le 8 mai 2002
Le livre des illusions, superbe numéro du magicien new-yorkais !
- Auteur : Paul Auster
- Editeur : Actes Sud
- Date de sortie : 3 mai 2003
Le livre des illusions, superbe numéro du magicien new-yorkais !
Résumé : David Zimmer a perdu sa femme et ses fils dans un accident d’avion. Anéanti devant la télévision, il sombre dans le désespoir, lorsque son attention est soudain retenue par un acteur du cinéma muet, un certain Hector Mann, disparu depuis 1929. Pour la première fois depuis des mois, David est sous le charme ; le virtuose du septième art parvient à le faire rire et, pour cette simple raison, pour ce petit miracle, David décide de se lancer dans l’écriture de la filmographie du personnage. Le livre publié, il s’invente une autre raison de vivre : il entreprend la traduction des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, l’ampleur de la tâche lui permettant d’oublier son pitoyable quotidien. Loin de tout, rien ni personne ne peut l’atteindre, jusqu’au soir où une inconnue débarque chez lui et, sous la menace, lui impose un très long voyage. Elle a pour mission de l’amener le plus rapidement possible au chevet d’Hector Mann ; l’acteur, en train de mourir, appellerait David pour lui léguer un étrange héritage. Malgré l’improbabilité de cette histoire, David ne résiste pas davantage et se laisse entraîner… Racontée par la jeune femme, retrouvée par David et à nouveau perdue, l’histoire de l’extraordinaire et mystérieux Hector Mann est le fil conducteur de ce roman. Mais la puissance narrative de Paul Auster nous transporte bien au-delà de la magie du cinéma muet et porte ce livre au cœur d’un univers envoûtant où la création artistique semble faire écho aux sentiments amoureux dans ce qu’ils ont de plus éphémère et de plus fragile, où la douleur de la perte et le besoin de filiation se répondent pour remettre en question l’idée même de mémoire.
Paul Auster est de retour ! Avec un point d’exclamation, s’il vous plaît. Oubliées, les peu convaincantes élucubrations de Mr Bones le chien, héros de son précédent roman Tombouctou. A lancer dans la caisse des petits os à ronger en attendant que l’écrivain reprenne de la hauteur. De la grandeur. Du souffle. Ce qui est donc fait, avec Le livre des illusions, superbe numéro du magicien new-yorkais.
Terré au fond de son trou, dans le Vermont, après le décès accidentel de sa femme et de ses enfants, David Zimmer, professeur de littérature comparée, rit pour la première fois depuis longtemps. Il est tombé par hasard, à la télévision, sur un court-métrage muet d’un certain Hector Mann. Sous le charme de sa fine moustache et de son complet blanc, il décide de voir ses autres films et se met à écrire un livre sur ce cinéaste de talent. Histoire de s’occuper, mais l’histoire n’en restera pas là. Disparu soixante ans plus tôt dans des circonstances étranges, Mann ne serait pas mort. Il continuerait même de tourner des films, que personne n’a jamais vus et qui seront brûlés à sa mort, imminente. Zimmer se lance autant qu’il est lancé sur les traces de cet homme au destin étonnant et rocambolesque. Le tout sur fond de Chateaubriand, le professeur interrompant le temps de son (en)quête la traduction des Mémoires d’outre-tombe dans laquelle il était engagé.
Livre à tiroirs que celui des illusions, comme toujours avec Auster. De la vie d’Hector Mann, il sort des réflexions sur le cinéma, sur la création, sur les liens entre le regard et l’identité - des œuvres d’art comme des hommes, dans un parallèle qui rappelle des propos antérieurs d’Auster : "On vit seul. Les autres nous entourent mais on vit seul. Chacun est comme enfermé dans sa tête et pourtant nous ne sommes ce que nous sommes que grâce aux autres. Les autres nous "habitent"." [1] Des réflexions, enfin, sur l’amour, sur la perte, sur la mémoire, Chateaubriand ne se promenant évidemment pas là par hasard, lui qui ne voulait pas que son autobiographie paraisse de son vivant.
Du Vermont au Nouveau-Mexique en passant par New York, Paul Auster fait revivre la magie du cinéma muet (le récit de Mr Nobody, dernier film connu de Mann, est un régal), en même temps qu’il traverse un siècle que "personne ne pourra raisonnablement s’attrister de voir s’achever". Un siècle d’illusions perdues, peut-être pas à jamais.
Paul Auster, Le livre des illusions, (traduit de l’américain par Christine Le Boeuf), Actes Sud, 2002, 390 pages, 21,90 €
[1] Paul Auster et Gérard de Cortanze, La Solitude du labyrinthe, Actes Sud, 1997, 180 pages, 14,94 €
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JP MARTIN 3 octobre 2004
Le livre des illusions de Paul Auster
La vie est une histoire de fou, pleine de bruit et de fureur, et racontée par un idiot.
Paul Auster illustre à sa façon, sur un mode désabusé mais terriblement romantique, ce jugement porté par le dramaturge anglais sur l’accomplissement d’une vie humaine et surtout sur la perception, bien plus que compréhension, que l’ on peut avoir de cet accomplissement.Notre monde est un monde d’ images qui exclut toute objectivité et que la parole ne peut pas restituer.
Restent les images et rien n’ empêche de traquer cette objectivité au travers des images. Précisément, l’ étude de films muets surgis du fond des âges - ce n’est pas un hasard - sera l’ occasion de traquer la vérité d’ un homme promis à une mort prochaine, de reconstituer la trame de sa vie, tour à tour brillante et sordide.
Le narrateur, de simple historien d’une oeuvre cinématographique,deviendra acteur malheureux dans l’ accomplissement de cette destinée, mêlant à ses interrogations de circonstance son propre questionnement existentiel.
De cet accomplissement il ne restera aucun témoignage : négatifs brûlés, protagonistes disparus...
Le narrateur survit seul aux événements mais que lui reste-t-il comme preuve ?Rien. La vie ne serait-elle qu’un songe ?