Les amants maudits
Le 11 août 2023
Première (et meilleure) adaptation du roman à scandale de Radiguet, ce film brillant d’Autant-Lara est un modèle de réussite romanesque et de critique sociale. Micheline Presle et Gérard Philipe y forment un couple de légende.
- Réalisateur : Claude Autant-Lara
- Acteurs : Gérard Philipe, Jacques Tati, Micheline Presle, Denise Grey, Jean Debucourt, Edmond Beauchamp, Léon Larive, Pierre Palau, Albert Rémy, Richard Francoeur, Jean Lara, Michel François, Germaine Ledoyen, Jeanne Pérez, André Bervil, Charles Vissières, Marthe Mellot, Jacques Beauvais
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 7 juillet 2020 20:40
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 21 octobre 2009
- Date de sortie : 22 septembre 1947
- Festival : Festival de Venise 1947
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Résumé : Alors que sonnent les cloches de l’armistice, une jeune homme erre comme une âme en peine et se souvient... C’est en 1917 que François Jaubert, 17 ans, encore lycéen, rencontre Marthe Grangier, infirmière fiancée à Jacques, un soldat sur le front. Dès les premiers instants, il s’éprend d’elle. Tous deux vont sans retenue se lancer dans une liaison passionnelle... Au risque de tout perdre.
Critique : Après Douce (1943), satire au vitriol des mesquineries bourgeoises, Claude Autant-Lara se vit confier ce film, en collaboration avec les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, issus du groupe Octobre, et qui porteront avec lui l’étendard d’une certaine « Qualité française » jusqu’à l’avènement de la Nouvelle Vague. Le roman de Raymond Radiguet avait suscité dès sa publication un scandale réitéré à l’occasion de la sortie de l’adaptation cinématographique. Lors de sa présentation au Festival de Bruxelles, l’ambassadeur de France quitta la salle pendant la projection et l’acteur Noël-Noël s’offusqua publiquement d’une atteinte au patriotisme et au drapeau national ! Le film, qui obtint pourtant sans grand problème le visa de censure, suscita dès lors les attaques tant des autorités religieuses et militaires que de la presse communiste, un Roger Vailland reprochant la peinture de jeunes gens marqués par le nombrilisme sentimental et l’apolitisme alors qu’un conflit mondial les concerne. Les passages du film où sonnent les cloches de l’armistice, devant une population en liesse, sont à ce titre emblématiques, puisqu’elles décrivent un François en état de choc face à son amour perdu, indifférent au sort collectif et allant même jusqu’à remballer un porte-drapeau. En ces années d’après-guerre et dans une période de refoulement des humiliations de 1939-45, il n’était en fait pas bien vu de filmer la passion amoureuse et charnelle de deux amants de 1917, surtout lorsqu’il s’agit d’un mineur et de l’épouse d’un soldat mobilisé. Le caractère sulfureux du roman convient ici admirablement à la personnalité d’Autant-Lara, qui prend position pour Marthe et François et dénonce l’hypocrisie des bien-pensants, incarnés notamment par le minable couple de logeurs (Pierre Palau et Jeanne Pérez), pris au piège du conformisme et de la stigmatisation. Le cinéaste est curieusement plus indulgent avec les figures parentales, l’autoritaire mère de Marthe (Denise Grey, grandiose) comblant son conformisme par un réel amour maternel.
Cette œuvre clairement antimilitariste est aussi délibérément féministe, Marthe assumant librement ses désirs et sa sexualité au-delà des convenances que la société et sa famille lui imposent. Mais c’est surtout un film sur la liberté de la jeunesse, bien avant que la Nouvelle Vague ne revendique la primeur de la thématique. Il faut dire que l’époque s’y prêtait, la sortie du Diable au corps correspondant avec l’effervescence créatrice et revendicative de Saint-Germain-des-Prés. Le diable au corps est donc à plus d’un titre un pavé dans la mare de l’ordre social, comme le seront Le blé en herbe ou La traversée de Paris. Sur le plan esthétique, le film frôle la perfection, avec sa structure en flash-back, sa photo superbe, ses audacieux mouvements de caméra (le plan sur le feu de cheminée quand Marthe et François font l’amour) et les remarquables décors de Max Douy marquant l’apogée d’un certain cinéma de studio. Gérard Philipe, alors âgé de 24 ans, devint après ce rôle la coqueluche du cinéma français, jusqu’à sa mort douze ans plus tard. Micheline Presle, d’une sincérité déchirante, a un jeu d’une modernité et d’une sensualité bien en avance sur son époque. Souvent diffusé à la télévision, Le diable au corps est devenu ensuite un film rare, les prises de position politiques désastreuses d’Autant-Lara au cours des dernières années de sa vie ayant du coup jeté un injuste discrédit sur l’ensemble de son œuvre.
– Festival de Bruxelles 1947 : Prix d’interprétation masculine pour Gérard Philipe
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