Tout commence dans les bruissements de l’enfance. Un jeune garçon raconte son histoire : "Est-ce ma faute si j’eus douze ans quelques mois avant la déclaration de la guerre ?". La première guerre assombrit la vie des adultes. L’enfance suit son cours tranquille au bord de la Marne, dans une famille tolérante et presque laxiste. De la guerre, les enfants ont une perception particulière. Radiguet utilise la métaphore de la cloche à fromages et du chat qui guette pour attraper un morceau : "Mais vint la guerre. Elle brisa la cloche. Les maîtres eurent d’autres chats à fouetter et le chat se réjouit." L’amour peut arriver.

Sur les quais de la gare de La Varenne, le narrateur croise Marthe, la fille des Grangier. Corsetés dans leurs préjugés, où figurent en bonne place patriotisme et morale, ils veillent simplement à ce que leur fille suive la voie toute tracée du mariage avec Jacques. Marthe lit Baudelaire alors que son fiancé le lui interdit. Cela suffit à lancer le narrateur dans les rets de l’amour. Un peu révolté, un peu lâche, le jeune garçon est surtout fanfaron. Il aime contredire, analyser, échafauder. Marthe tombe amoureuse éperdument, prenant tous les risques (on devine aisément comment est perçu un adultère à l’époque, alors que le mari est sur le front) pour cajoler son jeune amant. Les nuits se suivent dans l’appartement des jeunes mariés. La jeune femme aime sans limites. Le narrateur aime, souffre et fait souffrir. La passion "maléfique" ne peut avoir qu’un aboutissement, comme dans les romans si chers à Radiguet. La mort se profile.

Une écriture classique, comme on en lit peu aujourd’hui. Une analyse très mature des sentiments, pour un écrivain d’à peine dix-huit ans. Un livre lucide, sensuel et cruel, une "éducation du cœur".