1933. En tentant de battre le record établi (par une aviatrice) sur le parcours entre l’Angleterre et Le Cap, le pilote Bill Lancaster disparaît quelque part au sud de l’Algérie, dans le Tanezrouft, l’une des régions les plus inhospitalières du monde. 1962. Par le plus grand des hasards, une mission militaire française découvre la carcasse de l’avion, les restes momifiés du pilote et son carnet, soigneusement emballé, relatant son agonie de huit jours. Paris Match qui était alors un grand magazine, rappelons-le, publie le carnet, les photos. Rideau.

Jusqu’au jour où Sylvain Estibal, spécialiste du désert (il a publié entre autres un livre d’entretiens avec Théodore Monod [1]) tombe par hasard sur cette histoire oubliée. Il s’en empare. A partir des quelques pages laconiques du carnet du pilote, de coupures de la presse britannique datant de l’époque du drame et du rapport d’un adjudant de l’armée française, son imagination, merveilleux instrument, s’envole pour reconstituer, sous la forme d’un assemblage de textes authentiques ou fictifs - lettres, journaux intimes -, l’histoire de Bill Lancaster, de sa famille, de ses amours, de son accident, de son agonie, de la vie d’une petite garnison française dans cette région désolée, des secours inefficaces vu les circonstances : pour alléger son appareil, le pilote n’avait même pas emporté de radio. Ciel et désert se heurtent dans ce patchwork cousu avec beaucoup de délicatesse et une remarquable économie de moyens, pour montrer de manière très puissante et très émouvante comment l’homme peut aller au bout de lui-même. A l’essentiel. Survivre ou mourir. Et surtout aimer.