Critique

LIVRE

Le complexe de la sorcière - Isabelle Sorente - critique du livre

Le 2 février 2021

Et si pour une fois la chasse aux sorcières était à prendre dans un sens positif ?
Isabelle Sorente propose une forme de manifeste qui vise à réconcilier les femmes avec elles-mêmes.

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  • Kirzy 13 février 2021
    Le complexe de la sorcière - Isabelle Sorente - critique du livre

    Le récit s’ouvre sur une vision apparue à l’auteure, une scène terrible, l’interrogatoire d’une femme accusée de sorcellerie, des instruments de torture en métal chauffés en blanc, un inquisiteur menaçant. Un autre siècle. Quoi que ... Cette vision tourne à l’obsession et lance l’enquête d’Isabelle Sorente sur les chasses aux sorcières des XVI-XVIIème siècles. Jusqu’à un télescopage temporel.
    Si la figure de la sorcière dans l’historiographie féministe est classique et largement abordée ces dernières années, la thèse du complexe de la sorcière est très neuve et audacieuse.
    « le complexe de la sorcière serait ce soupçon permanent de soi instillée aux femmes torturées, ou aux femmes témoins de la torture d’autres femmes de leur famille ou de leur entourage. L’interdir portant sur la vérité, qu’elles ne peuvent ni chercher ni dire, sous peine de torture. (...) Comment l’Inquisiteur, avec une majuscule, l’Inquisiteur a pu être assimilé, intériorisé, enfoncé à coups de marteau, imprimé au fer rouge, puis oublié mais conservé à l’intérieur de la psyché comme un corps étranger après une opération chirurgicale, transmis de mère en fille et de grand-mère en petite fille, comme un juge toujours en exercice, toujours prêt à mettre en doute, à haïr et à condamner la conscience d’une femme ».

    L’idée du empreinte psychologique transgénérationnelle, des chasses aux sorcières ayant laissé une empreinte occulte dans la psyché des femmes, d’un inquisiteur intérieur « hérité » depuis des siècles est séduisante sur le papier.
    La difficulté avec les romans à thèse, c’est que pour les apprécier totalement, il faut adhérer à leur postulat de départ. Et dans ce cas-là, je n’ai jamais été convaincue par les aller-retours, les parallèles entre la sorcière d’hier et la femme d’aujourd’hui qui en subirait l’empreinte.
    Bien sûr que les femmes du XXIème doivent lutter contre leur inquisiteur intérieur, mais les passerelles entre leurs difficultés actuelles ( injonction à la minceur, mépris des femmes seules, peur des vieilles femmes, autocensure, peur de dire son ressenti profond ) et les sorcières m’ont semblé calquées un peu artificiellement.

    Là où j’ai été convaincue, c’est lorsque Isabelle Sorente évoque son adolescence douloureuse en oubliant ses sorcières. Ses mots, tout en retenue et dignité, sont justes et vibrant d’émotions pour dire le harcèlement scolaire très violent qu’elle a subi durant tout le collège. L’éclairage genré sur la réaction des parents est très pertinent : le fils qui s’est fait attaqué une fois dans la cour se voit offrir par le père un cours de self-défense, là où elle, la fille, reçoit de la mère « oui, ça m’est déjà arrivé » et puis c’est tout.

    Certes je n’ai pas adhéré à la thèse de l’auteure mais cette dernière fait montre d’une belle réflexion, on sent derrière chaque page une pensée vive qui fouillent les failles de notre société en livrant son expérience personnelle avec une grande sincérité.

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