Tous les chats sont gris
Le 13 juillet 2012
Un chat qui parle, un rabbin malhabile, un dessinateur talentueux et une narration simple : quelques ingrédients qui font de l’adaptation de la BD de Sfar une oeuvre fidèle et de qualité, qui risque d’enchanter davantage les grands que les petits...
- Réalisateurs : Joann Sfar - Antoine Delesvaux
- Acteurs : Maurice Bénichou, François Morel, Mathieu Amalric, Jean-Pierre Kalfon, Éric Elmosnino, Mohamed Fellag, Karina Testa, Hafsia Herzi, François Damiens
- Genre : Animation
- Nationalité : Français, Autrichien
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 1er juin 2011
- Plus d'informations : Le site officiel du film
Un chat qui parle, un rabbin malhabile, un dessinateur talentueux et une narration simple : quelques ingrédients qui font de l’adaptation de la BD de Sfar une oeuvre fidèle et de qualité, qui risque d’enchanter davantage les grands que les petits...
L’argument : Alger, années 1920. Le rabbin Sfar vit avec sa fille Zlabya, un perroquet bruyant et un chat espiègle qui dévore le perroquet et se met à parler pour ne dire que des mensonges. Le rabbin veut l’éloigner. Mais le chat, fou amoureux de sa petite maîtresse, est prêt à tout pour rester auprès d’elle... même à faire sa bar mitsva ! Le rabbin devra enseigner à son chat les rudiments de loi mosaïque ! Une lettre apprend au rabbin que pour garder son poste, il doit se soumettre à une dictée en français. Pour l’aider, son chat commet le sacrilège d’invoquer l’Eternel. Le rabbin réussit mais le chat ne parle plus. On le traite de nouveau comme un animal ordinaire. Son seul ami sera bientôt un peintre russe en quête d’une Jérusalem imaginaire où vivraient des Juifs noirs. Il parvient à convaincre le rabbin, un ancien soldat du Tsar, un chanteur et le chat de faire avec lui la route coloniale...
Notre avis : Après le galop d’essai - plutôt réussi - de Gainsbourg, vie héroïque, Joann Sfar s’offre avec Le chat du rabbin une douce « régression » cinématographique, puisqu’il y retrouve ses premières amours dessinées. Si l’auto-adaptation est un exercice compliqué, le dessinateur-réalisateur s’en tire globalement à bon compte ; indéniablement, l’esprit mutin de ce chat parlant dans l’Algérie cosmopolite des années 1920, son verbe frondeur et son élégance sont au rendez-vous d’un scénario épuré, suffisamment simple et classique pour s’adresser à un public à la fois large et critique. Ce qui faisait le vent de fraicheur de la bande-dessinée souffle en effet sur le film : le chat - personnage faussement naïf - dérange les hommes, parce qu’il pose sans cesse la mauvaise question, celle du pourquoi... Jusqu’à questionner les habitudes absurdes des hommes, leurs peurs et leurs superstitions. Dans ces temps de repli communautaire - quelle que soit la communauté, Sfar adresse à chacune d’entre elles une pique vivifiante, dont on ne craindra pas outre mesure l’aspect corrosif. A bien des égards, cette image légèrement adoucie des rapports entre différents groupes de croyance, que parcourt le chat qui, lui, ne croit en rien, vaut comme un message de tolérance nécessaire et parfois un peu « didactique » à l’égard du spectateur.
- © UGC Distribution
Le chat du rabbin, côté BD, hormis la patte graphique inimitable de Sfar, c’est surtout une voix qu’on imagine et qu’on module au fil de sa lecture. Le paradoxe qui en résultait consistait à donner une voix totalement intérieure à ce personnage que le lecteur n’entendrait jamais que dans sa tête. Conséquence directe en salle obscure : le choix de François Morel, pourtant lecteur « intelligent » et sagace, pour doubler le chat, surprend à la première écoute ; il y a quelque chose d’un peu trop burlesque ou décalé dans cette histoire de chat qui parle, dès lors qu’elle est matérialisée devant nos yeux. Autre danger pris par la réalisation, le choix de la 3D, qui s’assume entièrement comme feuilletage de plans sans véritable profondeur, mais relève le plus souvent dans le film de la simple coquetterie technologique. Cette absence de volume a au moins le mérite de respecter l’univers visuel de Sfar, qui adopte l’écran comme une sorte de case de BD géante. Finalement, l’auteur conserve la plupart des points forts et faibles de son œuvre originale, les mêmes ambiguïtés demeurant, notamment sur le public concerné : avec son message d’une limpidité extrême, Le chat du rabbin pourrait parfaitement s’adresser aux enfants... si le caractère érotique et parfois violent qui le sous-tendent n’apportait pas au récit sa vraie richesse. Le film en restera comme le chat : en équilibre.
- © UGC Distribution
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roger w 18 juin 2011
Le chat du rabbin - La critique
Grand fan de la BD, je trouve l’adaptation cinéma plutôt réussie, même si la narration reprend de trop près les trames du premier et du cinquième album. Ce manque d’unité de l’histoire se ressent au niveau du rythme, un peu trop languissant, là où la lecture impose un tempo bien différent. L’animation est plutôt jolie, les dessins sont sympas et l’on ne remerciera jamais assez l’auteur de renvoyer dos à dos tous les communautarismes. Du bon boulot.
Frédéric de Vençay 25 juin 2011
Le chat du rabbin - La critique
Un joli conte animé de Joann Sfar, quasiment une oeuvre d’utilité publique dans son discours intelligent et jamais lénifiant sur les dangers d’une pratique religieuse poussée vers l’outrance. Fin, drôle, cultivé, "Le Chat du rabbin" bénéficie d’un casting vocal de premier choix et d’une animation au minimalisme poétique. En revanche, le scénario est aussi cabossé et bringuebalant que la Citroën qui transporte les personnages dans le désert éthiopien. Un défaut qui habitait déjà "Gainsbourg", le précédent essai (en demie teinte) de Joann Sfar.