Au bout du rouleau
Le 30 avril 2003
Sur le témoignage d’un seul homme, Hans Arbogast est condamné à la prison à perpétuité. Le récit d’une formidable erreur judiciaire...


- Auteur : Thomas Hettche
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Allemande

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Nom : Arbogast
Prénom : Hans
Accusé d’avoir assassiné Marie Gurth le 1er septembre 1953. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité après l’expertise fantaisiste du professeur Maul, qui conclut à la strangulation par "une corde à bétail" jamais retrouvée. Un avocat de la défense inexpérimenté, qui laisse passer ce tissu d’inepties sans prendre la parole. Hans Arbogast clame son innocence mais personne ne l’entend. Les photos de la victime sont formelles. La trace qu’elle porte autour du cou est bien celle d’une corde et Arbogast est le coupable.
Arbogast a eu des rapports sexuels avec Marie. Il le reconnaît. L’intensité et la violence de leur étreinte a tué la jeune fille. Involontaire... Arbogast n’est pas un meurtrier. Il est lui-même allé voir la police après la découverte du corps. Après treize ans passés en cellule, l’accusé a presque renoncé à se battre, même s’il clame toujours son innocence. Jusqu’au jour où un avocat, un médecin légiste, un journaliste et une photographe décident de former une équipe afin de reprendre l’enquête et de réfuter la thèse de Maul.
Mais Arbogast est démoli. Après toutes ces années d’enfermement, le monde a changé, les modes sont passées, le pays s’est relevé de ses blessures de guerre. Arbogast, lui, vient d’un univers "où règne une autre force de gravité". C’est un homme usé, affaissé, psychologiquement détruit qui assiste au combat de ces hommes et ces femmes pour sa cause. Sans trop se faire d’illusions. La force de Thomas Hettche tient sans aucun doute dans la réussite du personnage central de cette histoire. Un homme brisé, à genoux, totalement à la merci des autres. Un homme dépassé par les événements, incapable d’infléchir son destin. Le style pesant et lent est en totale harmonie avec l’enfer de l’univers carcéral. On sent, on respire, on vit la souffrance d’Arbogast.
A mi-chemin entre le fait divers et le roman, Hettche raconte une formidable erreur judiciaire. Même si l’auteur a parfois tendance à se noyer dans des détails qui n’apportent rien d’essentiel au récit, on se laisse emporter dans ce tourbillon infernal. Cet ouvrage est sombre, hanté par un climat lourd et oppressant. Un univers dont on peine à sortir. Profondément troublant...
Thomas Hettche, Le cas Arbogast, (Der Fall Arbogast, traduit de l’allemand par Nicole Casanova), Grasset, 2003, 375 pages, 20 €