Le 19 avril 2019
Le grand Blier était, paraît-il, de retour. Mauvais titre en forme de présage : le bruit des glaçons, ça fait plouf. Comme le film.


- Réalisateur : Bertrand Blier
- Acteurs : Albert Dupontel, Jean Dujardin, Anne Alvaro, Éric Prat, Farida Rahouadj, Myriam Boyer , Audrey Dana, Christa Théret, Émile Berling, Geneviève Mnich, Clémence Thioly, Damien Bonnard, Jean Dell
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h27mn
- Date de sortie : 25 août 2010

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Résumé : C’est l’histoire d’un homme qui reçoit la visite de son cancer. " Bonjour, lui dit le cancer, je suis votre cancer. Je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de faire un petit peu connaissance..."
Critique : À l’époque -2010-, tout le monde s’est félicité que le moribond Bertrand Blier se soit refait une santé en se frottant au cancer. Il était donc de retour, l’inénarrable trublion qui enfanta Les valseuses, Buffet froid ou Tenue de soirée, le moraliste hiératique que Fred Romano croqua avec une froide ironie dans son excellent livre Le film pornographique le moins cher du monde, et qui se répand sur la misère de la production culturelle, depuis des années. On se souvient d’une interview à Télérama, lors de la sortie du long métrage. Le propos était globalement semblable à son prolongement cinématographique sous forme de titre-apéritif : "Ma p’tite dame, je ne suis pas Cioran, mais je considère qu’en gros le cinéma français n’engendre rien de bon depuis des lustres, que Jacques Audiard est gentiment correct. Mais bon, ça ne vaut pas une larme rouge dans Cris et chuchotements et on n’arrivera jamais au tour de taille du gros Welles. Il est temps que je revienne. "
Name-dropping d’aigri : ajoutez Kubrick et passez muscade. S’il faut avoir été subversif pour virer passéiste, Blier a finalement suivi un chemin que, finalement, son cinéma profilait depuis longtemps.
En vérité, Le bruit des glaçons est un pétard qui coule directement dans la piscine où le héros joué par Dujardin regarde sa jeune copine s’ébattre, bien qu’on puisse admettre une qualité à ce film : la tendresse. Elle s’incarne dans le personnage interprété par Anne Alvaro, immense actrice, condamnée à jouer les utilités, alors qu’elle surpasse en grâce et en finesse tout ce qui s’exhibe sur grand écran (quelques provocations anachroniques, une bonne dose de mots d’auteur). Ose-t-on le dire, la source de Blier s’est tarie quelque part entre Trop belle pour toi et Merci la vie, quand, lassé de faire du cinéma avec une vraie histoire, le réalisateur a commencé à s’auto-caricaturer, en revenant à ce qui avait fait sa matière première : un réflexe anti-bourgeois, exhibant ses formules comme autant de trophées, pas si éloigné du cinéma de papa contre lequel, paraît-il, ses films s’étaient construits.
L’acmé en a été la pitoyable farce des Côtelettes, fondée sur le même gimmick qui sert de matrice au Bruit des glaçons : l’apparition d’une force antagoniste ostensiblement provocatrice, cintrée dans une phrase initiale qui sert d’étendard à tout le reste (on comparera volontiers le "Je suis venu vous faire chier" de Michel Bouquet au "Je suis votre cancer" de Dupontel). Prochaines suggestions : "Je suis votre Politesse et vous pouvez volontiers vous asseoir sur moi" ou "Je suis votre billet de loto, vous m’adoptez ?". Ridicule et indigeste.