Le 23 mars 2021
C’est notre finitude qui définit ce que nous sommes sur cette Terre et les pièces de Shakespeare en montrent la réalité de façon transcendante.
Tout particulièrement la tragédie d’Hamlet à travers laquelle chacun-e d’entre nous peut se questionner sur sa propre destinée et le sens de ses décisions.
- Acteurs : Benjamin Jungers, Anne Le Guernec, Nils Ohlund, Emil Abossolo M’Bo, Bruno Boulzaguet, Sandra Sadhardheen, Thomas Ribière, Marco Caraffa
- Auteurs : William Shakespeare, Jean-Claude Carrière, Peter Brook, Marie-Hélène Estienne
- Metteurs en scène : Guy-Pierre Couleau - Delphine Brouard
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Résumé : Peu de temps après la mort mystérieuse du roi de Danemark, sa veuve se remarie avec Claudius, son frère. Le fils du roi défunt, le prince Hamlet vit mal ce remariage. La nuit, sur les remparts, Hamlet rencontre le spectre de son père qui lui révèle qu’il a été assassiné par Claudius. Le comportement d’Hamlet devient de plus en plus fantasque. On met sa folie sur le compte de son amour contrarié pour Ophélie. L’arrivée de comédiens ambulants donne à Hamlet l’idée d’un stratagème : il modifie la pièce qu’ils vont jouer pour y introduite un e allusion évidente au meurtre du roi par Claudius. A la suite de la représentation, Claudius se méfie d’Hamlet, et renvoie Polonius l’espionner. En présence d’Ophélie, Hamlet tue Polonius et se noie. Claudius manigance avec Laërte, fou de douleur, la perte d’Hamlet. A l’occasion d’un tournoi d’escrime organisé par le roi pour sceller une prétendue réconciliation, Hamlet et Laërte échangent leurs fleurets et Laërte est blessé à mort par la lame empoisonnée destinée à Hamlet. Au même moment, le reine s"empoisonne par inadvertance avec la coupe que devait boire son fils. Hamlet tue Claudius. Le fantôme du roi apparaît et condamne son fils à vivre.
- Copyright Laurent Schneegans
Critique : Une pièce que, par les temps qui courent, l’on a le plaisir de découvrir.
Point de repère fondamental du théâtre tragique et du théâtre en général, Hamlet est une œuvre qui mène bien souvent là où on ne s’y attend pas.
A n’en point douter, c’est ce qui s’est passé pour Guy-Pierre Couleau, le metteur en scène de cette toute nouvelle adaptation, jouée en représentations professionnelles les 10, 11 et 12 mars derniers au Théâtre 13, à Paris dans le treizième arrondissement. Les nombreuses errances et points d’interrogation que ce texte magistral propose y ont été ici sublimées grâce au talent exceptionnel du metteur en scène, mais aussi du jeu limpide et très efficace des comédiens.
Au départ, il y a un texte français de Jean-Pierre Carrière et Marie-Hélène Estienne, adapté bien entendu de la pièce originale, puis revisité par Peter Brook lui-même. De ce texte, Guy-Pierre Couleau a su retirer la substantifique moelle et a mis en valeur avec brio, grâce au jeu exceptionnel des huit comédiens et à une mise en scène efficace, le gigantesque questionnement que contient cette pièce incontournable.
En matière de création artistique, peut-être n’est-il pas nécessaire de savoir ! Il faut douter ! Une ligne de conduite à laquelle Guy-Pierre Couleau s’est, de toute évidence, tenu.
Une mention toute particulière pour lui.
- Copyright Laurent Schneegans
Ce spectacle est un pari très largement gagné. Jean-Claude Carrière en aurait été certainement honoré et aurait su en apprécier l’ampleur du travail entrepris.
On pensait connaître les ressorts essentiels de la pièce mais avec cette nouvelle et très réussie version d’Hamlet, le spectateur quitte la salle avec ses certitudes bien émoussées ! Pétri d’interrogations nouvelles aussi, comme celles-ci par exemple : qu’est-ce que le théâtre exactement ? A quoi sert-il ? Que vient précisément y chercher le spectateur ? Ne sommes-nous pas tous au fond de nous des Hamlet avec nos doutes, nos angoisses, nos certitudes feintes, notre psyché qui frôle parfois la folie ou la déraison ?
A l’ouverture du spectacle, le protagonistes est seul sur le plateau, vêtu d’un smoking noir impeccable, mis en valeur par de la fumée blanche que lui-même diffuse.
Le comédien qui interprète ce personnage, Benjamin Jungers, est remarquablement investi et sublimera tout au long de la pièce cet état fragile de l’être humain, tiraillé bien plus souvent qu’on ne le pense, entre folie feinte et raison fragilisée.
Puis les autres actrices et acteurs interviennent tour à tour, chacun-e transmettant des émotions, des pulsions et des ressentis forts, souvent extrêmes et habilement maîtrisés.
Les deux comédiens qui incarnent le couple nouvellement formé de Gertrude et Claudius, Anne Le Guernec et Nils Ohlund, sont captivants, avec une mention particulière à Anne Le Guernec dans le rôle de la mère d’Hamlet.
La mise en scène est sans failles, fluide, subtile, car elle met toujours en balancement les tourments existentiels d’Hamlet, projetant de ce fait le spectateur face à ses propres interrogations.
- Copyright Laurent Schneegans
"Le cerveau forge bien souvent de la fausse monnaie", dira le héros dans ce texte dont on regrette qu’il ne soit pas édité. Ou encore : "je dois être cruel seulement pour faire le bien" ! "Quel chef-d’oeuvre l’homme et pourtant de la quintessence de poussière ".
Grâce au jeu subtil de Benjamin Jungers, impossible de savoir si c’est Hamlet qui est fou ou si ce sont les autres qu’il côtoie qui le sont...
Le décor est sobre sur ce plateau du Théâtre 13, sous la houlette scénographique de Delphine Brouard. Au sol, un grand visage stylisé au tracé blanc, représentant de toute évidence le spectre du roi décédé, se dévoile au milieu de la pièce. Deux grands panneaux noirs imposants symbolisent les murs du château dans lequel se joue cette tragédie intemporelle de l’existence humaine. Quelques chaises.
Pour parfaire ce nouveau projet, Guy-Pierre Couleau a fait appel aussi à une formidable comédienne-chorégraphe, Sarah Sadhardheen, dans le rôle d’Ophélie, qui sait, avec une grande élégance, interpréter la folie désespérée du personnage, en mêlant tour à tour de la gestuelle du Barathanatyam à de la danse contemporaine.
On soulignera la performance et le jeu de l’ensemble des huit comédiens, sans oublier Emil Abossolo M’bo dans le rôle de Polonius et du fossoyeur, formé au Conservatoire d’art dramatique de Paris, et ayant travaillé sous la direction de Peter Brook lui-même et de Daniel Mesguich.
On attend impatiemment, cela va sans dire, la réouverture des théâtres pour aller admirer à nouveau début 2022, à Bagneux, entre autres, cette formidable adaptation d’une pièce vers laquelle il est conseillé de revenir sans cesse, pour nous interroger sur nous-mêmes et nos rapports aux autres.
Prochaine représentations
– 30 septembre 2021 : Le Théâtre, Auxerre (89).
– 9 novembre 2021 : Le Carré - Scène nationale, Château-Gontier-sur-Mayenne (53).
Hiver 2022 (7 janvier 2022 ou 21 avril 2022, en cours) : Théâtre Victor Hugo, Bagneux (92).
– Du 8 au 19 février 2022 : Théâtre 13 Jardin (Paris 13e).
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