Le 15 avril 2025


- Scénariste : AYROLES, Alain>
- Dessinateur : Hervé Tanquerelle
- Coloristes : Isabelle Merlet, Isabelle Merlet
- Collection : MIRAGES
- Genre : Aventure, Drame
- Editeur : Delcourt
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 9 avril 2025
Une virée au Groenland, entre tragédie shakespearienne et aventure de chevalier errant.
Résumé : Arrivé dans une ancienne colonie viking mal en point, un capitaine mercenaire se rend compte qu’en manœuvrant habilement, il pourrait prendre la tête de toute la population, quitte à sacrifier certaines personnes et certains idéaux en cours de route...
Critique : S’aventurer dans les paysages désolés du Groenland en quête de terres à conquérir et de peuples à soumettre, par la volonté du Christ et de l’acier, ce n’est pas la feuille de route de la visite du vice-président Vance, mais bien le synopsis du somptueux album signé par Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle. Désireux de se rendre dans un haut Moyen-Âge lointain, dans une froide contrée où les hivers et la faim tuent davantage que les guerres et les épidémies, le duo s’est établi de manière très réaliste aux côtés d’une colonie pourrie, où le bois et le savoir-faire manquent, où la bonne volonté et la corruption se côtoient mais où la seconde l’emporte souvent. Dans cette petite société, un bossu, équipé d’une armure complète, utilise sa ruse pour gravir les échelons pas à pas, antihéros shakespearien ou balzacien, dans un tableau qui alterne entre laideur physique et morale mais aussi sursauts de courage, d’amour ou de sacrifices de la part de ceux qui l’entourent, pour aboutir à une tragédie parfaite aussi bien qu’à un album d’aventure. Il y a de l’intrigue politique et amoureuse, des haines et de peurs religieuses, des confrontations directes et des interventions mystiques, autant d’éléments qui densifient ce scénario qui se délecte des aléas et victoires de cette quête pas si insensée, car le passé s’insinue également dans l’histoire...
© Delcourt / Tanquerelle
Pour faire vivre, et aussi mourir, ces personnages, Hervé Tanquerelle a opté pour un style assez déroutant : les mines ont un premier abord presque sympathique, plus proche d’Uderzo que d’Hermann pour ce qui est de représenter des notables, des paysans et des chasseurs habitués à un climat et une société rudes. Cependant, assez rapidement, ce masque de jovialité tombe face à l’impunité dont jouit le protagoniste, corbeau de mauvais augure par son allure mais aussi ses paroles, et enfin ses actes. La nature était elle dès le début dans une logique hostile : rochers, glace, neige, chaumières basses et port lugubre se présentaient déjà alors que la saison était encore belle, et quand vient l’hiver, les aurores boréales n’empêchent pas toute l’atmosphère de se dessécher encore plus, les corps des plus pauvres s’amaigrissant tandis que les épées rougissent du sang des ennemis, intérieurs comme extérieurs. La violence est plus que présente, mais elle jaillit en certaines occasions, pour une chasse aux phoques ou un bûcher inquisiteur, sans toutefois imprégner toute l’œuvre.
© Delcourt / Tanquerelle
Splendide aventure mêlant le romanesque et le tragique, La Terre Verte joue avec habilité de ce surnom idéal d’une terre blanche et grise pour donner à lire une histoire à la fois graduée et multiple, humaine et mystique, incroyable et tellement banale.
256 pages – 34,95 €