Ne pas se fier aux apparences
Le 21 avril 2004
Sous la plume précise et manipulatrice d’un écrivain de l’image, une petite visite des possibles dont on sort réjoui mais désorienté.
- Auteur : Anne-Marie Garat
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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L’auteur annonce la couleur d’emblée : La rotonde est un "panorama". Pas un très court roman ni même une nouvelle, mais un exercice de style et de réflexion qui se situe quelque part entre l’œuvre du photographe (qu’est aussi Garat) et celle du peintre.
Pourtant, la phrase qui ouvre le récit a l’air de vouloir nous entraîner du côté du polar. "Tandis que je naissais (on remarquera l’imparfait, qui restitue le juste temps de cet événement habituellement compressé en un passé simple sec et bref et pose du même coup la durée de ce qu’on va lire : une poignée de secondes, une éternité dans les songes de la narratrice) mon père tira soudain un coup de fusil à bout portant sur la jeune sœur de ma mère." Or si énigme il y a bel et bien, c’est du côté de l’interprétation du réel qu’il faut la chercher.
Tout est question de point de vue semble nous dire Garat, appelant peut-être à plus de sagesse, voire de modestie, les "décrypteurs" d’actualité. Car si rien ne relie à des événements proches de nous la scène observée depuis la rotonde et par le biais du rêve, elle pourrait être remplacée par n’importe quelle autre qui nous touche, nous concerne, nous définit. Que croire, dès lors, si même notre regard nous trompe ? La voix qui résonne le plus fort en nous répond, l’auteur. Et pour l’entendre, il faut commencer par les écouter toutes, les voix intérieures, les accueillir sans peur ni préjugés.
Anne-Marie Garat réussit avec ce texte sobre et inclassable, l’adéquation parfaite entre le décor - une falaise, la mer, une île au loin -, le rythme et la construction du récit. Elle revient en effet sans cesse mais sans lasser sur la scène doublement originelle (puisqu’elle voit naître la narratrice et l’histoire) comme les vagues qui toujours reviennent accomplir ce même mouvement où elle donnent et reprennent. Et telle la vague, à chaque retour, Anne-Marie Garat nous donne à voir autre chose de ce moment suspendu : un détail, un éclairage, des prémices... Le lecteur reçoit... puis se sent dépossédé, perdu... Mais bientôt il recevra encore. Jusqu’à l’apparition de la vérité ?
C’est magistral... et peut-être un peu froid.
Anne-Marie Garat, La rotonde, Actes Sud, coll. "Un endroit où aller", 2004, 59 pages, 9,50 €
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