La putain respectable
Le 8 août 2005
Une fresque à l’ambition démesurée, qui parvient à recréer d’une manière saisissante toute l’horreur de la société victorienne.
- Auteur : Michel Faber
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Anglaise
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On ose à peine imaginer la quantité de documentation engloutie par l’auteur qui ne s’en cache pas : il lui a fallu vingt-cinq ans pour mener son roman à bon port, un quart de siècle pendant lequel il a lu tout ce qui lui tombait sous la main pour connaître dans les détails les plus infimes la vie telle qu’elle était à Londres en 1875, en plein milieu du très long règne de Victoria. Son projet titanesque, Michel Faber le prend à bras le corps pour nous raconter - sur un arrière-fond d’une précision sidérante - l’histoire de quelques personnages sans grande importance mais parfaitement caractéristiques de cette époque d’immenses mutations. La révolution industrielle est à son apogée. Les pauvres sont encore plus pauvres et plus maltraités, les riches encore plus riches et plus sûrs de leur bon droit. Est-il possible de s’en sortir dans cette société corsetée à mort dans son puritanisme ? Est-il possible d’être soi-même ? Avec générosité, l’auteur répond : oui. Son personnage central, Sugar, est une prostitué de dix-neuf ans, née dans les bas-fonds. Intelligence, hardiesse, énergie et bonté ne lui font aucunement défaut. Protégée par cette précieuse cuirasse, elle réussira l’impensable : faire le pied de nez à la fatalité et se libérer.
Merveilleuse et attachante Sugar, qui n’est même pas belle selon les critères de l’époque, trop grande, trop efflanquée, mais qui attire les hommes comme des mouches. Michel Faber la fait évoluer dans les diverses couches de la société en compagnie de son amant, héritier d’une florissante affaire de parfumerie.
Autour de cet improbable couple gravitent des hommes et des femmes étouffés par de cruelles lois non écrites et qui pataugent maladroitement à la recherche d’une issue à leur mal-être. Folie pure, foi exacerbée, charité de bon aloi, excentricité sans borne, chacun adopte le comportement qu’il peut pour supporter sa vie mais ne parvient le plus souvent qu’à s’enfoncer un peu plus. Que peut-on espérer, en effet, dans un système atteint d’une telle gangrène ?
A la manière du narrateur dickensien, Faber prend son lecteur par la main. Il s’adresse à lui avec une bonne dose d’humour et tout autant d’altruisme pour le transporter dans une sarabande hyperréaliste faite de malheurs incommensurables, d’insatisfaction sans borne, d’incompréhension abyssale, de diktats péremptoires et de bienséance hypocrite. Et réussit parfaitement son coup en recréant avec brio cette période charnière - juste avant que n’émergent les luttes sociales - où triomphe le capitalisme avec son cortège d’effroyables injustices. Magistralement composé, captivant de bout en bout, très moderne tant par l’écriture que par l’approche psychologique, ce pavé de plus de mille pages s’avale comme du petit lait jusqu’à la fin, largement ouverte, qui laisse présager d’une suite. On trépigne d’impatience en espérant ne pas devoir attendre vingt-cinq nouvelles années.
Michel Faber, La rose pourpre et le lys (The crimson petal and the white, traduit de l’anglais par Guillemette de Saint-Aubin), éd. de l’Olivier, 2005, 1143 pages, 25 €
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