La rivière Fuefuki

Un moment de cinéma rare dont les audaces artistiques compensent largement les quelques insuffisances du scénario.

L’argument : Dans le Japon médiéval, le fils aîné d’une famille de fermiers se met, contre l’avis de ses parents, au service d’un puissant chef de guerre. Ses frères s’engagent également...

Notre avis : Chez Kinoshita, il y a cette obsession de la nouveauté, du petit plus qui éveille la curiosité du spectateur. La rivière Fuefuki a ainsi comme caractéristique d’être un film en noir et blanc colorisé. Cette technique se manifeste de deux façons : des plans teintés, à la manière d’un film muet, et des plans colorisés partiellement, où des taches de couleurs semblent directement peintes sur la pellicule. Cette colorisation a le mérite de surprendre et, surtout, d’insuffler une charge poétique importante au film.
L’histoire, elle, raconte le destin d’une famille de paysans du XVIe siècle sur un mode fortement théâtral. L’unité de lieu (une maison au bord de la rivière Fuefuki, témoin impassible du drame qui se joue) est quasiment respectée, à quelques notables exceptions près, comme ces courtes scènes de bataille en forme de tableaux absurdes. Pour le reste, comme le souligne justement la préface du DVD, on navigue en territoire mizoguchien période Contes de la lune vague après la pluie. En observant l’univers des guerres seigneuriales du point de vue d’une famille de paysans, le réalisateur met en évidence ce que ces conflits peuvent impliquer d’orgueil, de promotion sociale accélérée et de goût pour la mort. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que la famille se fasse progressivement décimer tout en conservant une foi inébranlable envers le seigneur local. Le message est clair mais quelque peu étiré sur les 1h57 du film. Au fur et à mesure de sa progression, celui-ci donne l’impression d’empiler les mêmes situations, histoire de mettre en évidence une certaine logique de l’absurde et du poids de l’hérédité. Cela explique pourquoi la dernière partie (hormis la fin, fulgurante) perd en efficacité et s’enfonce dans une artificialité narrative trop présente. Reste à admirer le travail sur la couleur. Une artificialité en compense une autre et c’est bien là l’essentiel.

Le DVD

Les suppléments

Une préface revient sur le visuel du film et ses (possibles) significations tout en donnant, et c’est toujours appréciable, des éléments de compréhension du contexte historique du XVIe siècle. Des scènes commentées, bien qu’assez longues, apportent finalement assez peu à la compréhension de l’œuvre. Pas de bande-annonce où d’entretiens au sujet de La rivière Fuefuki, un des DVD les moins fournis de la collection Kinoshita. C’est d’autant plus dommage qu’il s’agit là d’un de ses meilleurs films.

Image & son

L’image est de bonne qualité avec un joli noir et blanc d’où se distinguent parfaitement les taches de couleurs, véritables éclats poétiques. Un son de bonne qualité achève de faire du film une des plus belles réussites techniques de la collection Kinoshita.