Le 4 juin 2013
Tour d’horizon des adaptations de BD en France et aux États-Unis.
Alors que l’adaptation de Bleu Est Une Couleur Chaude a été récompensée à Cannes, qu’Iron Man 3 bat des records de fréquentation et que Les Profs est toujours présent dans les salles, la bande dessinée ne s’est jamais aussi bien portée qu’au cinéma ! Entres les bides et les succès, les blockbusters US et le traitement français, les adaptations n’ont pas toutes la même destinée. État des lieux des bulles sur grand écran.
Au pays de l’oncle Sam, les adaptations ciné ne portent que sur les BDs US, les comics, avec pour thème, les super-héros. Bien sûr, il y a des exceptions comme Tintin et le Secret de la Licorne (d’après Hergé), Du Plomb dans la Tête (d’après Matz) ou les Schtroumpfs (d’après Peyo). Comme pour le format papier, la production américaine est une guerre ouverte entre les deux grands éditeurs que sont Marvel (Avengers, Spiderman, Iron Man, X-Men...) et DC (Superman, Batman, Green Lantern...). Historiquement, c’est DC qui a frappé le premier en 1978 avec le Superman de Richard Donner avec le célébrissime Christopher Reeve. Ce sera un gros succès mais les suites et dérivés (Supergirl, par exemple) n’auront pas, mais alors pas du tout la même qualité. L’éditeur double la mise en 1989 avec Batman, réalisé par Tim Burton et joué par un Jack Nicholson inspiré. A nouveau la franchise ne tiendra pas et les épisodes de Joël Schumacher ne resteront pas dans les annales malgré un gros casting : Val Kilmer, Tommy Lee Jones, Jim Carrey, Georges Clooney, Arnold Schwarzenegger, etc. De son coté, Marvel tentera un timide Punisher, en 1989 également, avec Dolph "Drago" Lundgren mais sans grande conviction. Curieusement, c’est l’adaptation d’un comic book d’un éditeur indépendant, Caliber Comics, qui deviendra le gros succès de la décennie : The Crow, adapté de l’histoire de James O’Barr avec le maudit Brandon Lee. Carton international, le film deviendra culte et appuiera fortement la mode gothique.
Il faudra attendre les années 2000 pour voir déferler la vague de super-héros. Le millénaire s’ouvre avec les X-Men de Bryan Singer qui réussit à apporter la crédibilité aux super-héros. Hugh Jackman (Wolverine) et Ian McKellen (Magnéto) deviennent les nouvelles idoles des jeunes et 2 suites (en 2003 et 2006), ainsi qu’une spin-off, Wolverine Origins (en 2009) assureront l’essentiel. En 2002, Sam Raimi commence sa trilogie sur Spiderman (2002, 2004, 2007). Réalisée avec brio, elle deviendra un classique. Marvel a mis le pied dans la porte et peut présenter tout son catalogue : Daredevil (2003), Elektra (2005), Les 4 fantastiques (2005)...
En 2003 commence ce qu’on nomme aujourd’hui la phase une de Marvel : des films de super-héros liés entre eux avec un but final, le film sur les Vengeurs, le St-Graal du lecteur de comics. Hulk ouvre le bal avec Ang Lee aux commandes. Échec complet, il faudra refaire le film (on appelle ça un "redo") en 2008 avec Edward Norton. 2008 également, la sortie d’Iron-Man avec Robert Downey Jr qui en profite pour relancer sa carrière. Gros carton, il y aura une suite en 2010. En 2011, la phase continue avec Thor et Captain America et introduit le film The Avengers en 2012. The Avengers de Joss Whedon, par sa construction, est unique, c’est le premier gros cross-over cinéma en associant les personnages (et les acteurs) des franchises Captain America, Iron Man, Thor et Hulk. Projet colossal avec un budget pharamineux et mené d’une main de maître, le film récoltera 1,5 Md de dollars, se plaçant à la troisième marche du panthéon, derrière Avatar et Titanic.
DC ne suit clairement pas et en 2004, le miteux Catwoman fait un bide. Il faudra que Christopher Nolan signe en 2005 Batman Begins pour que la franchise commence à reprendre des couleurs. Mais ce ne sera qu’en 2008 avec The Dark Knight et l’époustouflante prestation de Heath Ledger que le succès publique et critique sera au rendez-vous. La trilogie se terminera en 2012 avec The Dark Knight Rises. Pendant ce temps, DC échoue encore avec le triste Green Lantern (2011).
Mais il n’y a pas que les super-héros dans la BD US, il y a Alan Moore aussi. Le scénariste, qui est anglais, verra ses œuvres adaptées sur grand écran avec, à chaque fois, un franc succès. En 2001, dans From Hell, Johnny Depp affrontera Jack l’éventreur. En 2003, Sean Connery sera Allan Quaterman dans La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. En 2005, Natalie Portman est prisonnière du mystérieux V dans V pour Vendetta et en 2009, Zack Snyder adapte Watchmen (film de super-héros, mais pas que). En parallèle, l’ennemi juré, Franck Miller voit aussi ses livres adaptés : 300 par Znack Snyder (2006) et son chef d’oeuvre, Sin City, par Robert Rodriguez en 2005.
Les bandes dessinées noires faisant de très bons films, on ne peut pas ne pas citer Les Sentiers de la Perdition (2002) d’après le livre de Max Allan Collins et le gigantesque A History of Violence de David Cronenberg (2005) d’après le roman graphique de John Wagner.
- A voir : Avengers, The Dark Knight, A History of Violence, Watchmen
- A éviter : Catwoman, Spawn, Elektra
- A venir : Man of Steel, Thor 2, Captain America 2, X-Men : Days of Futur Past, Wolverine : Le Combat de l’Immortel
En France, le succès de La Vie d’Adèle, très bon film sur une très grande bande dessinée, serait-il l’arbre qui cache la forêt ? Prenons notre débroussailleuse et traçons un chemin dans cette jungle touffue car, on ne le répétera jamais assez, dans l’hexagone les BDs poussent encore mieux que les champignons à Paris...
Tout a commencé avec Tintin et les Oranges Bleues (1964) même si ce n’est pas vraiment tiré d’un album. C’était plutôt honnête pour l’époque. Ensuite s’en est suivie une longue période où ont fleuri les adaptations en dessins-animés (de nombreux Astérix, notamment) avant que nos amis italiens adaptent notre Lucky Luke national (1991). Devant et derrière la caméra, le héros du western spaghetti, Terence Hill cabotine allègrement pour un résultat rigolo mais pas très sérieux tout de même. Pas très sérieuse non plus cette adaptation des Bidochons, en 1996 avec Anémone et Jean-François Stévenin, dont on ne peut pas nier qu’ils ont parfaitement pris les valeurs des personnages : la médiocrité et la beaufitude.
Mais finalement, on aurait du s’en contenter car quand est sorti Astérix et Obélix contre César (1999), on a bien cru que le ciel nous tombait sur la tête, par Toutatis. Pour cette superproduction à la française, on a choisi le best-of de ce que l’on pouvait faire dans notre beau pays, soit Christian "Jacquouille" Clavier et Gérard Depardieu, l’homme de Sibérie. A partir de là, on a eu ce qu’on méritait (on a du en faire de grosses bêtises dans nos vies antérieures) et il ne nous restait plus que nos albums cartonnés pour pleurer. Certain ont tenté de se suicider en avalant les feuilles de La Serpe d’Or tandis que d’autres jetaient leur Astérix Légionnaire sur les murs de la maison de Claude Zidi par désespoir.
Et quand la Gaule en colère hurlait "N’adaptez pas Numérobis", les boites de prod n’ont entendu que le "bis" et, sautant sur l’occasion, et rallumaient le chaudron de la potion tragique. Telle une meute de Goths, ils pillèrent nos rayons BD pour les sacrifier sur l’autel de leur dieu peu miséricordieux. Tout y est passé : Lucky Luke, encore (2009), les Dalton (2003), Iznogoud (2004), Ducobu (2010 et 2011), L’Enquête Corse (2004), Les Profs (2013) jusqu’au Boule & Bill (2013) aussi triste que les yeux du cocker. L’infâme Astérix, par qui tout est arrivé, a même eu 3 suites (2001, 2008 et 2012).
Non mais attention, il y a eu des bons films, aussi, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit. Par exemple, les films d’Alain Chabat (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre en 2001 et Sur la Piste du Marsupilami en 2012) sont très drôles. Mais pour ça, il a du s’éloigner franchement de l’œuvre d’origine et donner la part belle à son acteur fétiche Jamel Debbouze.
Peu de bandes dessinées ont été adaptées en dehors du registre de la comédie. Largo Winch, par exemple, a eu deux épisodes (2008 et 2011) qui sont deux séries B acceptables. Jan Kounen a lui essayé d’intellectualiser son adaptation de Blueberry (2004) mais s’est violemment pris les pieds dans le tapis. Finalement, même si les critiques ne sont pas unanimes, c’est Luc Besson qui s’en sort le mieux avec Michel Vaillant (réalisé par Louis-Pascal Couvelaire en 2003) et son Adèle Blanc-Sec (2010) à coup de grand spectacle et d’effets spéciaux. La "méthode américaine", vous dites ?
Mais n’ayant pas à rougir car si les films de nos cousins américains trustent les meilleurs performances ciné, les adaptations tricolores sont très bien placées dansle classement des 100 plus mauvais films. On pourrait expliquer ça par le fait que l’Oncle Sam porte un œil mature sur ses BDs, même si elles traitent de héros en super-slip. En France, on subit des décennies de "gros nez", personnages balourds et naïfs qui enchainent les gaffes plus plus grossières. Ces "gros nez" ont encore aujourd’hui une influence considérable particulièrement sur les producteurs ciné même si leurs boulettes à répétition ne font malheureusement plus rire grand monde.
- A voir : Adèle Blanc-Sec, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre
- A éviter : Astérix aux jeux olympiques, Boule & Bill
- A venir : Joséphine, La Vie d’Adèle, Les Nombrils
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter à La Vie d’Adèle le même succès que celui d’Iron Man 3 et à nous d’espérer que le cinéma français suive ces deux exemples pour les prochaines adaptations de bandes dessinées. Que ce soit par la qualité des effets spéciaux ou la sincérité du jeu d’acteurs, l’important c’est le respect de l’œuvre et avec la quantité de matière que l’on a en France, ce serait bien le diable si on n’arrive pas à faire quelque chose. En tous cas, nous, on y croit...
Et ailleurs ?
On pourrait parler de l’Asie et en particulier du Japon mais la plupart des adaptations sont animées (même si on pourrait citer le superbe Battle Royale) et comme ça n’était pas le sujet ici, ça fera sûrement l’objet d’un autre dossier.
Rendonc, cependant hommage à nos voisins anglais et à l’adaptation par Stephen Frears du roman graphique de Posy Simmonds : le pétillant Tamara Drewe. Du très bon boulot.
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