Le 12 septembre 2020
Le monologue intérieur d’une jeune femme qui peine à reconstruire son identité trop morcelée. Un récit puissant.
- Auteur : Fatima Daas
- Collection : Notabilia
- Editeur : Éditions Noir sur Blanc
- Genre : Autofiction
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 20 août 2020
Résumé : Fatima Daas est la petite dernière, c’est du moins comme ça qu’elle se présente à son lecteur dans ce roman aux allures de journal intime. En effet, dans ce monologue qu’on dirait presque intérieur, tant elle nous plonge dans son intimité la plus profonde, Fatima Daas se met à nue non sans avec une désinvolture pudique.
Critique : Construit sur l’anaphore « Je m’appelle Fatima Daas », chacun des chapitres du texte retrace un épisode de la vie de l’autrice, mélangeant constamment présent et passé. Le lecteur oscille donc entre ces deux temporalités, ce qui lui permet de mieux saisir, de mieux cerner l’énonciatrice, de percevoir aussi, par l’usage de ce procédé, une dualité sous-jacente.
En effet, tout le roman repose sur cette opposition et l’écrivaine y insiste pour montrer toute sa complexité. Garçon manqué dans un corps de femme, algérienne et française, lesbienne et musulmane, indépendante, pourtant attachée à Nina, Fatima Daas est, à l’image de sa génération, remplie de contradictions.
Or, ce sont elles qui font toute la puissance et la beauté de ce monologue. Celle qui s’exprime ne semble jamais vraiment à sa place nulle part et jamais vraiment à l’aise, si ce n’est dans le rôle de l’écrivain.
Certes, en tant que personnage de roman, elle semble parfois se mentir à elle-même, notamment dans ses relations amoureuses, en tant qu’autrice. Mais elle parvient aussi à retranscrire l’ensemble avec beaucoup de sincérité et d’honnêteté.
Tantôt naïve, tantôt crue, Daas raconte sa vie sans rien épargner, toujours avec une forme de pudeur très touchante à lire, notamment lorsqu’il est question de sa maman, comme si elle était toujours la petite dernière, l’enfant de la famille dans un corps de jeune femme.
Toutefois, cette anatomie qu’elle semble assumer aujourd’hui, a parfois été un handicap pour elle, notamment à l’école où elle se sentait garçon parmi les garçons. Jouant la dure pour se faire accepter, elle n’hésitera pas à frapper ses camarades et insulter ses professeurs. Si ces épisodes sont plutôt virulents, elle les raconte avec désinvolture, tout en les regrettant.
A travers ce beau monologue intérieur, une jeune femme dit sa peine à reconstruire son identité trop morcelée.
192 pages - 16 €
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Kirzy 9 février 2021
La petite dernière - Fatima Daas - critique du livre
Fatima Daas assume avoir mis beaucoup d’elle dans son personnage ( qui porte les mêmes nom et prénom ), mais revendique l’autofiction pour n’avoir pas chercher la vérité des détails. Il ne faut donc pas réduire ce roman très fort à un simple journal intime. C’est avant tout une oeuvre littéraire qui révèle une voix.
« Je m’appelle Fatima. »
Chaque chapitre commence avec cette anaphore ou sa variante « Je m’appelle Fatima Daas ». Autant de fragments pour raconter les toutes les facettes d’une vie, pour dire le puzzle intérieur de la narratrice. Française nés de parents algériens, la seule de la famille à être née en France. Musulmane pratiquante. Lesbienne. Clichoise. Etudiante à Paris.
Cette façon de scander dans des phrases courtes et nerveuses les chapitres crée immédiatement un rythme. Les chapitres se répondent. Chacun mène autre part tout en reprenant, enrichissant, creusant un sillon, porté par une style proche du slam. Une écriture qui pulse, matinée de mots arabes. Cette mise en scène littéraire donne envie d’entendre les mots qui feraient un magnifique stand-up. Surtout, les mots disent parfaitement la quête identitaire de Fatima, son sentiment d’être à côté de sa vie, à côté des autres. Trop lesbienne pour être musulmane, trop parisienne pour être clichoise, trop musulmane pour être lesbienne, trop banlieusarde pour être étudiante. Jamais Fatima ne crie dans cette psalmodie mais on sent toute la douleur de ses conflits intérieurs. Dans toute leur complexité kaléidoscopique.
Certains passages sont bouleversants, tout particulièrement ceux consacrés à la religion. La sincérité de la foi de Fatima y explose. Son amour pour Allah, son besoin de s’y abandonner. Sa douleur d’être une pécheresse comme elle se définit, elle qui assume son homosexualité sans vouloir renoncer à la prière. Une scène remarquable la montre chez un imam à la recherche de réponses pour concilier ses identités contradictoires. Elle n’en trouvera pas ici. Mais elle en trouvera en écrivant. L’écriture comme une révélation, comme une évidence, comme le seul lieu où l’ambivalence peut s’exprimer sans avoir à oblitérer une part de soi, jusqu’aux dernières pages qui laisse entrevoir la lumière de la réconciliation.
Loin des clichés sur la banlieue, hors de toute volonté sociologique ou récupération politique, ce texte terriblement personnel, à la fois dur et doux, n’est pas un manifeste même si Fatima Daas se revendique féministe intersectionnelle. Une entrée en littérature forte et poignante.