Familles, je vous hais !
Le 28 janvier 2010
Portrait aigre-doux des années 1980 en URSS, au travers d’une matrone colérique et sympathique : Mikhalkov ou la rencontre du grotesque et du sublime.
- Réalisateur : Nikita Mikhalkov
- Acteurs : Nonna Mordyukova, Svetlana Krioutchkova, Yuri Bogatyryov, Ivan Bortnik, Rimma Markova
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Russe
L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h40min
– Titre original : Rodnya
Portrait aigre-doux des années 1980 en URSS, au travers d’une matrone colérique et sympathique : Mikhalkov ou la rencontre du grotesque et du sublime.
L’argument : Maria, campagnarde énergique, décide de se rendre à la ville pour intervenir dans la vie de sa fille qui la scandalise par sa façon de vivre.
Notre avis : A l’Est, à quoi ressemble le disco ? Comme on pourrait imaginer une Lada décorée de fanions aux couleurs du drapeau américain, La parentèle est rythmée par l’emblématique titre « Sunny » du groupe Boney M, dont les choeurs sautillants viennent réchauffer un paysage soviétique qui, lui, déchante sérieusement. Le film ressemble aux clichés Polaroïd que l’on retrouve au fond d’un tiroir et dont la vision fait naître un sentiment mixte de nostalgie et de gouffre temporel : couleurs délavées - sur une palette qui s’étend du pastel au fluo -, coiffures monstres surmontant des tenues excentriques, le tout couronné par un mauvais goût catastrophique régnant sur le design d’à peu près tous les objets de la vie quotidienne. Seulement, nous sommes ici en terre socialiste, et ce fait n’est pas sans importance, malgré l’aspect faussement dépolitisé de La parentèle : si l’intrigue rebondit à la façon d’un vaudeville dont les répliques auraient été remplacées par celles d’un roman-photo (et en cela les amateurs de Mikhalkov apprécieront son auto-dérision toujours renouvelée, culminant dans sa propre apparition en serveur de café poli en proie à une hypotension burlesque), l’intuition d’une déchéance inexorable de la société soviétique, signant la fin des utopies et du système « D » que celles-ci ont entraîné malgré elles, envahit d’une manière inconsciente l’atmosphère générale du film.
Mikhalkov n’a peut-être jamais eu autant que dans ce film l’oeil avisé et le crayon aiguisé du caricaturiste, qui croque en quelques traits des figures à la fois grotesques et sympathiques, au premier rang desquelles l’excellente Nonna Mordyukova. On pourra précisément lui reprocher le caractère quelque peu brouillon de son dessin, qui fait merveille dans des « saynètes » choisies et étudiées, mais perd de sa cohérence à l’échelle du rythme général. Comme dans toute comédie - mâtinée de satire sociale -, le propos discrètement moral qui sous-tend l’ensemble est introduit avec plus ou moins de légèreté, le sort cinématographique ne se faisant pas excessivement tendre à l’égard de personnages balayés en quelques scènes. Surtout, le cinéaste semble comme pris d’une frénésie qui donne à La parentèle un caractère vertigineux encore accentué par sa durée réduite : les séquences s’enchaînent et tourbillonnent elles-mêmes de manière chaotique, ce qui donne une valeur plus estimable que ne le laisse penser Mikhalkov aux moments de « respiration » étrangement poétiques, comme ce travelling arrière incroyablement élastique qui perd le personnage plongé dans ses pensées sur le balcon, pour découvrir un espace immense, qui rejoint les dimensions d’un stade d’athlétisme. Dans Esclave de l’amour, un élan lyrique final nous découvrait l’héroïne, prise pour une révolutionnaire par ses poursuivants, lancée à toute allure sur une voie ferrée. La parentèle finit elle aussi sur un paysage de chemin de fer sillonné par les personnages ; mais ce qui a disparu, c’est leur poursuite idéaliste d’Octobre rouge.
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.