A la poursuite d’Octobre rouge
Le 4 décembre 2009
L’attente et la révolution (de velours) selon Mikhalkov. Une partie de campagne russe singulière, où se mêlent tour à tour le grotesque et le mélodrame.
- Réalisateur : Nikita Mikhalkov
- Acteurs : Elena Solovei, Alexandre Kaliaguine, Rodion Nakhapetov
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Russe
– Durée : 1h32mn
– Titre original : Raba lyubvi
L’attente et la révolution (de velours) selon Mikhalkov. Une partie de campagne russe singulière, où se mêlent tour à tour le grotesque et le mélodrame.
L’argument : Alors qu’une équipe de cinéma tourne un mélodrame, la révolution embrase Moscou. La vedette du film, Olga, va aider un militant révolutionnaire.
Notre avis : Le cinéma n’aime peut-être rien tant d’autre que de parler de lui-même, implicitement, par voies de mises en abyme et figures de style sophistiquées, ou explicitement, comme ici. De King Kong à Ça tourne à Manhattan, les tournages sont toujours désastreux, plombés par les catastrophes matérielles et les caprices des starlettes en manque d’attention, comme s’il fallait pour les véritables cinéastes conjurer les aléas du sort en accablant leurs doubles imaginaires de tous les maux. Esclave de l’amour ne fait pas exception, puisque le tournage d’un film - dont on parviendra à ne saisir que des bribes, entre vaudeville et exotisme - se voit compromis par un obstacle aussi problématique que... la révolution bolchévique ! Mais en guise de cure cathartique, Mikhalkov prend en réalité un malin plaisir à reconstituer minutieusement les éléments du cinéma muet derrière et devant la caméra, allant jusqu’à insérer de faux plans à l’aspect « authentique », qui se hissent au rang d’une parodie discrète de tout le genre du mélodrame et forment au sein du film un contrepoint qui respire une autodérision parfaitement maîtrisée. Reste que, la plupart du temps, faute de pellicule ou de caméraman, l’équipe ne tourne pas, et prend un plaisir affiché à se prélasser au soleil, dans un décor de maison de poupée, tableau dans les tons lumineux d’une idylle slave à l’heure où Octobre fait trembler le Kremlin.
On retrouve la coutume de Mikhalkov d’osciller entre le sublime et le grotesque, les sentiments en apparence les plus nobles voisinant avec les instincts grossiers et ridicules des hommes comme des femmes, à l’image de l’héroïne, cette « esclave de l’amour » qui déclare vouloir se rendre utile à la société pour que l’on fasse attention à sa personne. Le film connaît quelques essoufflements en milieu de parcours, laisse certains personnages un peu trop en suspens, mais il conserve un goût du menu détail et de l’ingéniosité stylistique qui relance constamment l’attention - et la surprise - du spectateur : Mikhalkov n’hésite pas par exemple à transformer une scène romantique et éculée située dans un jardin, en une fervente déclaration morale expressionniste, où le décor se met à l’unisson de l’exaltation du personnage. Somme toute, on se plaît relativement bien dans un contexte supposé dramatique et pourtant scénographié comme une partie de campagne où les jeux des enfants et les rires des adultes ont une vertu sincèrement communicative. Difficile à ce compte de déterminer si les grands mots de « liberté » ou de « pays » sont au final réellement significatifs, ou si ce qui constitue l’intérêt du film ne réside pas plutôt dans les rais de lumière qui tombent sur les voilures d’Elena Solovei ou les mimiques du personnage du réalisateur, qui se lamente sur son œuvre d’un air faussement simplet. Comme Pique-nique à Hanging Rock, dont l’intrigue se déroule à peu près à la même époque, Esclave de l’amour se veut un film d’époque paradoxalement intemporel, où la contemplation de la nature et les rêves d’amour et d’eau fraîche se substituent aux accents plus tragiques de l’histoire.
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Loanm 25 décembre 2011
Esclave de l’amour - La critique
Ce film est magnifique ! Un de mes préférés ! D’une sensibilité rare, il décrit tout un éventail de sentiments allant de l’amour à la colère, en passant par l’absurde de la folie des hommes. Une perle. Comme toute œuvre, il demande une certaine ouverture et un abandon dans son flot d’images et d’émotions. Ce film ne se voit pas avec un mental critique, mais avec le cœur... L’actrice joue à merveille, nous amenant à ressentir combien la vie peut être belle et grotesque à la fois, combien il est difficile d’y trouver sa place et de s’y épanouir librement, et combien l’amour, maitre du jeu, peut soudain magnifier une situation vouée au drame. Un instant de grâce dans un monde de brutes...