Il est toujours midi
Le 29 juin 2012
Le film posthume de Raúl Ruiz est une délicieuse rêverie hors du temps qui nous replonge dans une espèce d’enfance perpétuelle.
- Réalisateur : Raúl Ruiz
- Acteurs : Sergio Hernández, Christian Vadim, Valentina Vargas, Chamila Rodriguez, Pedro Vicuña
- Genre : Fantastique
- Nationalité : Français, Chilien
- Durée : 1h47mn
- Titre original : La Noche de Enfrente
- Date de sortie : 11 juillet 2012
- Plus d'informations : http://www.lanuitdenface-lefilm.com
- Festival : Festival de Cannes 2012
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Le film posthume de Raúl Ruiz est une délicieuse rêverie hors du temps qui nous replonge dans une espèce d’enfance perpétuelle.
L’argument :Trois âges d’un homme qui voit la mort venir, s’entrecroisent.
Entre réel et imaginaire, entre humour et nostalgie, entre départ à la retraite et enfance, un mélange des temps et des genres.
Le plus autobiographique des films de Raoul Ruiz.
Son testament.
Notre avis : Pour ce qu’il savait être sans doute son dernier film Raúl Ruiz s’est inspiré de nouvelles [1] d’un écrivain chilien qui lui était particulièrement cher, Hernán del Solar, dont les fictions, dit-il dans sa note d’intention, font coexister le quotidien et l’onirique, la tendresse et la cruauté, les évocations littéraires et l’omniprésence de l’univers de l’enfance et exigent, à la fois, d’y croire et de cesser d’y croire.
Il définissait ainsi fort bien l’essence de son propre cinéma : une rêverie sans fin
qui, annulant les frontières entre ce qui est et ce qui pourrait être, juxtaposant ce qui a déjà eu lieu et ce qui va advenir, n’avait aucune raison de s’interrompre à la mort de son auteur.
- La noche de enfrente (Ruiz 2011/2012)
En effet, comme dans les autres films de Ruiz, le temps n’existe pas dans cette nuit en plein jour où il est toujours midi. C’est l’heure que les réveils, cachés dans un cartable ou sous les bureaux, ne cessent de sonner dans la classe composée d’élèves de tous âges (celui qu’ils ont eu ou celui qu’ils auront un jour) assistant aux cours de traduction de l’écrivain Giono ou de son double qui s’est installé dans une ville chilienne où il n’y a rien, attiré simplement par ce nom étrange : Antofagosta.
Giono, le vrai, aurait un jour, par jeu, émis ce voeu (celui de finir ses jours à Antofagosta) et Ruiz l’a, comme on dit, pris au mot.
Car les mots sont magiques ici, par exemple celui de rhododendron, répété avec délectation et affectueusement attribué à un personnage en guise de sobriquet. Leur pouvoir d’évocation est plus fort que celui des images aux teintes pastel qui semblent toujours frappées d’irréalité (le rose incroyable des murs du bureau où le protagoniste passe ses journées dans une apparente oisiveté en attendant la retraite).
- La noche de enfrente (Ruiz 2011/2012)
La magie des jeux de langage et des réminiscences littéraires commandent l’avancée, ou plutôt le sur-place, d’un scénario qui ignore superbement les règles hollywoodiennes du crescendo dramatique et du suspense. On remarquera d’ailleurs que lorsque les personnages entrent dans une salle de cinéma ils voient à l’écran un bout-à-bout de séquences extraites de divers vieux films sans lien entre eux.
Ruiz a souvent déclaré que que ça ne le dérangeait pas que les spectateurs s’endorment pendant la projection. La vision de La noche enfrente peut effectivement engendrer, après le délicieux vertige des superbes premières séquences, une espèce de douce léthargie, fort agréable au demeurant.
- La noche de enfrente (Ruiz 2011/2012)
Le foisonnement même de motifs et d’idées, l’abondance de trouvailles verbales et visuelles peut créer un effet de saturation, une impression de monde fermé sur lui-même et manquant un peu de vent à l’intérieur (pour reprendre une expression du film).
Mais l’esprit, quelque part, restera toujours en éveil et s’enchantera de cette délicieuse plongée dans un univers parallèle, celui d’une enfance perpétuelle.
- La noche de enfrente (Ruiz 2011/2012)
[1] En particulier du recueil La noche enfrente, publié en 1952, qui donne d’ailleurs son titre au film.
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