Le soleil se lève à Massaba la veille du mariage de Samilia, la fille du roi Tsongor. Les ambassadeurs de Koumane, prince des terres de sel, promis à la belle, s’apprêtent à apporter les présents de circonstances. Quand surgit un autre prétendant. Sango Kérim vient réclamer comme son dû la main de celle qui jadis engagea son coeur de fillette. Affirmation prouvée par amulette. Entre l’élu légitime et celui qu’il a toujours considéré comme son fils malgré les années d’exil, le roi ne peut choisir. Il s’éteint sous les yeux de Katabolonga, ami fidèle, indéfectible porteur du tabouret d’or depuis le jour où le roi rallia ce dernier ennemi en lui promettant que sa mort lui appartenait. A Souba, le plus jeune fils de Tsongor, échoit la lourde responsabilité d’ériger à travers tout le royaume huit tombeaux à l’image de ce que fut le roi. Et la guerre éclate.

La mort du roi Tsongor raconte le siège de Massaba pour l’amour de Samilia. Sorte de Troie transposée dans une autre culture que l’on croirait bien volontiers africaine, la ville royale voit se succéder les assauts et les vengeances pour le coeur d’une Hélène bien mal aimée. Les mangeurs de khat, décimant leurs ennemis dans le délire procuré par la drogue mâchée ou Arkalas qui, sous l’emprise d’un sort, massacre tous les siens, n’ont rien à envier à la folie d’Ajax. Ajoutez les chiennes de guerres, guerriers maquillés en femmes qui humilient leurs ennemis en murmurant à leur oreille "je suis une femme et je te tue", ou les amazones chevauchant des zébus, et les personnages de cette Iliade magique et pittoresque sont campés.

Au-delà de ces batailles épiques qui évoquent aussi la chanson de geste, La mort du roi Tsongor enferme une quête qui confine au sacré, comme celle des chevaliers de Chrétien de Troyes. Celle de Souba, parti bâtir les mausolées paternels. A dos de mule, il poursuit la vérité sur ce que fut véritablement le roi Tsongor. Son chemin lui révèlera aussi, amèrement, la vérité sur sa propre nature.

La simplicité de l’écriture de Gaudé et la richesse des évocations de l’imaginaire mythique puisé dans l’ailleurs ont sans nul doute charmé les jeunes membres du jury décernant le prix Goncourt des lycéens. Après La Joueuse de go [1] récompensé l’an dernier, il semblerait que les beautés des cultures lointaines séduisent décidément les jeunes lecteurs. Et les autres. Un seul petit regret, peut-être : la recherche métaphysique de Souba, foisonnante et aride, proche du conte merveilleux, aurait sans doute pu être plus fournie, et emmener le roman plus loin dans la justesse. Mais elle nous abandonne en route... Moindre regret que celui du pas assez.