Le 4 janvier 2017
Pour son premier long-métrage, le réalisateur Thomas Kruithof nous offre un thriller d’espionnage à la française qui a tout d’un grand film.
- Réalisateur : Thomas Kruithof
- Acteurs : Sami Bouajila, François Cluzet , Denis Podalydès, Simon Abkarian
- Genre : Thriller, Espionnage
- Nationalité : Français, Belge
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 11 janvier 2017
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Résumé : Deux ans après un burn-out, Duval, au chômage, se voit contacter par un mystérieux employeur pour retranscrire des écoutes téléphoniques. Aux abois financièrement, il accepte sans poser de questions sur la finalité de cette organisation. Ce travail simple, s’il lui permet de reprendre pied dans sa vie, va néanmoins le placer très vite au cœur d’un complot politique et le plonger malgré lui dans le monde impitoyable des services secrets.
Notre avis : Daniel Duval, au patronyme banal pour un homme ordinaire, est comptable dans une société d’assurances. Il a atteint la cinquantaine, âge fatidique pour le monde du travail. Son patron ne l’estime plus rentable et souhaitant s’en débarrasser, lui confie des tâches qu’il ne parvient pas à assumer. Le couperet tombe. Il est viré. Brutal mais efficace à l’image du film dans lequel nous propulse Thomas Kruithof, scénariste et réalisateur autodidacte, amateur de romans d’espionnage à la John Le Carré et de cinéma de complot.
- Copyright Océan Films
Cette incursion rapide dans le monde du travail n’est que le prélude à une démonstration bien plus implacable consistant à démontrer la facilité à utiliser puis à détruire un individu faible et isolé dès lors que l’on détient le pouvoir. C’est au cœur de l’état et en s’inspirant de plusieurs crises ou complots nés (ou supposés) au cœur de notre pays que le réalisateur installe son intrigue. Pour ce faire, il ne choisit pas les ors de la République mais bien plutôt les bas-fonds du contre-espionnage. A travers le regard d’un subalterne rôdé à obéir à une autorité sans jamais la remettre en question, il nous plonge dans un monde où tout n’est que mystère et opacité. Afin de bien nous imprégner de l’ambiance délétère qui règne, il multiplie les détails : l’organisation a renoncé aux fichiers numériques pour revenir à l’analogique jugé plus sûr, ici on utilise machines à écrire dignes des années 80, papier et cassettes audio comme au bon vieux temps de la Guerre Froide, tous ces éléments contribuant à transformer peu à peu le personnage principal en homme robotisé d’autant que les contacts entre les différents protagonistes sont restreints et contrôlés tandis que le passé du présumé chef (un Podalydès parfaitement glaçant) se fait de plus en plus mystérieux. L’univers visuel du film donne un écho supplémentaire à l’enfermement mental du personnage. S’il évolue d’abord un cadre familier identifiable, la lumière s’assombrit progressivement. Traduisant un climat de plus en plus abstrait, l’image se durcit, les contrastes se marquent pour nous conduire vers un film noir, réceptacle d’ un monde parallèle dont on ignore tout. Duval travaille seul dans une pièce peu éclairée vide de meubles située dans un lieu supposé isolé. Si l’on peut reconnaît un quartier semblable à celui de la Défense à Paris, la privation de repères historique et géographique accentue encore la déshumanisation du cadre.
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Le seul espoir d’échapper à la spirale infernale de cette mécanique déshumanisée sera apporté par Duval lui-même à qui François Cluzet accorde toute la subtilité de son jeu pour nous permettre d’accéder aux états d’un personnage qui pourrait être n’importe lequel d’entre nous. L’empathie nait de cette identification. Découvrir cet homme si facilement manipulable se révéler à lui-même et prendre son destin en main procure bonheur et espoir à tous ceux qui se sentent de plus en plus prisonniers d’un système liberticide. En filigrane s’inscrit un message politique sur la menace que les contrôles en tous genres font peser sur nos sociétés dites démocratiques, dirigées par une élite plus préoccupée par ses propres intérêts que par le bien d’un peuple qu’elle est censée servir.
- Copyright Océan Films
Malgré un scénario parfaitement ficelé, une réalisation soignée et un personnage principal de premier choix, le film n’aurait pas la même teneur sans l’adjonction nécessaire des trois autres rôles masculins. Denis Podalydès subjugue par sa capacité à rentrer sans l’ombre d’un faux pli dans le costume de l’intraitable puissant Mr Clément, dont le contrôle est la principale obsession. Sa silhouette élégante et son phrasé impeccable proche du langage parlé nourri de la richesse des intonations de sa voix et des nuances de son jeu imposent le respect du à son rang, entre amabilité feinte et courtoisie froide. Face à lui, deux hommes : Gerfaut sous les traits de Simon Abkarian, est le barbouze, l’homme de terrain, plus direct et moins en retenue, sa gestuelle et sa façon de parler nous le rendraient presque sympathique à l’inverse de Sami Bouajila, étonnant de vérité dans le rôle du superviseur de la sécurité intérieure dont la froideur minérale cache pourtant quelques faiblesses.
Un quatuor de talent qui donne à cette œuvre, à mi-chemin entre thriller et politique, un cadre idéal pour nous parler brillamment de l’état du monde et des coulisses du pouvoir.
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