Le 10 octobre 2020
Dans ce roman foisonnant, véritable hommage à l’intertextualité, Salman Rushdie réécrit les mythes antiques et les destins fondateurs de l’histoire romaine, les transpose dans l’Amérique désabusée d’aujourd’hui.


- Reprise: 3 septembre 2020
- Auteur : Salman Rushdie
- Collection : Babel
- Editeur : Actes Sud
- Nationalité : Américaine, Indienne
- Traducteur : Gérard Meudal
- Titre original : The Golden House
- Date de sortie : 16 août 2018
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Néron Golden et ses trois fils arrivent d’un Orient lointain le jour de l’investiture de Barack Obama et s’installent au cœur des Jardins à New-York, dans un pays désabusé, comme dépassé par le monde qui va trop vite. Leur voisin, René Unterlinden, réalisateur en devenir, ne tarde pas à voir en eux le sujet de son futur film, sorte de documentaire calqué sur la vie incroyable de cette famille hors-norme.
Critique : Trump ou un Joker au rire machiavélique, suivi par une horde d’énergumènes clownesques ; l’identité sexuelle comme construction sociétale et non physiologique ; la nationalité comme secondaire dans la construction de soi. Voilà autant des thèmes centraux constitutifs de la société américaine actuelle et longuement évoqués par Salman Rushie dans La maison Golden. À croire que ce roman n’est qu’un prétexte, prétexte foisonnant s’il en est, pour donner sa version de l’Amérique d’aujourd’hui, pour tirer son portrait, à peine caricatural et si juste. Pour recréer mentalement cette fresque, le lecteur devra trier, passer outre les références anecdotiques inconnues de (presque) tous, les légendes romaines et les mythes grecs, les réactualisations de ces récits antiques et leur transposition dans un présent bien sombre, mais toujours dans l’ombre de l’hubris et de l’harmatia classique – de la fatalité. Les Golden arrive d’Inde, ce que tous ignorent lorsqu’ils s’installent à New York dans une luxueuse demeure. René, leur voisin, fait immédiatement montre d’une immense curiosité envers cette famille étrange, boiteuse dès les premières lignes – un père et ses trois fils, fuyant quelque tragédie. Mais seulement, l’exil ne peut pas tout, et effacer l’ardoise n’est jamais possible. Le destin rattrape toujours les déserteurs et la roue de la fortune tourne sans pitié, voilà ce qui semble être la morale de ce livre : « Les clowns deviennent rois, les vieilles couronnes gisent dans le caniveau. Les temps changent. Ainsi va le monde. » (p494).
Les phrases sont longues, imagées ; les allusions sont innombrables, Dumbo côtoyant Gwynplaine et don Corleone ; le livre est foisonnant et les niveaux de lecture, multiples. Ce qui fait la richesse de La maison Golden est également ce qui le dessert : en effet, tout l’intérêt de l’œuvre réside dans cette abondance de détails et de parallèles intertextuels (voire méta-textuels), puisque l’histoire en elle-même reste simple et plutôt banale. Le narrateur, cinéaste, rêve de réaliser un film sur cette famille étonnante et, pour ce faire, consigne ses observations et les discussions qu’il a eues avec chacun d’eux, parvient à créer une relation privilégiée et à cerner leurs défauts, leurs désirs les plus inavouables. Il assiste également à leur déclin aux premières loges, livrant ses impressions en une sorte de méli-mélo. Monologues inventés, scènes cinématographiques à élaborer, extraits de lettres, de souvenirs et scènes réelles se brouillent dans cette œuvre à la fois fastidieuse, monotone, et brillante.
Salman Rushdie - La maison Golden
Actes Sud
11.00 x 17.60 cm
512 pages
9.90 euros