La gloire d’Albert - La chronique BD.

Résumé : Albert Colin est un homme simple : une femme vaguement acariâtre, deux enfants, un pavillon, deux crédits sur le dos... il travaille comme vendeur et homme à tout faire dans un magasin de bricolage, mais tous les soirs, en saison estivale, il est figurant dans un grand spectacle en plein air retraçant l’histoire de son terroir. Ça lui suffit.

A l’issue d’une représentation exceptionnelle, célébrant le millionième spectateur, l’un des deux fondateurs de ce spectacle, figures importantes du parti d’extrême-droite "traditions et convictions", est assassiné . Le meurtre est camouflé en accident de la route, mais Albert a tout vu ! Il décide de sortir de sa torpeur et d’agir.

Notre avis : trouver dans les pages qui suivent une ressemblance avec des personnes ou des faits existants ou ayant existé serait faire preuve de mauvais esprit. Et c’est très vilain. Cet "avertissement" d’Etienne Davodeau, dès la page de garde, donne le ton de l’album qu’on se prépare à savourer : ça va dénoncer sec !

En effet, même si aucun nom n’est donné, même si aucun personnage ne ressemble ou caricature qui que ce soit, un triste constat s’impose rapidement à nous : nous connaissons tous au moins un "Albert Colin". Ce personnage effacé qui cherche à exister en militant sans grande conviction pour un parti d’extrême droite lui promettant l’amélioration d’une situation qui pourrait pourtant être pire, et en faisant de la figuration dans un grand spectacle aux relents conservateurs hante nos villes et nos campagnes et pèse de tout son poids sur les urnes.

Et pourtant..... on s’y attache, à ce pauvre Albert et à sa passion cachée pour la fabrication de cabanes à oiseaux. Ce n’est pas parce qu’il s’est fait embobiner par les fascistes locaux que c’est un monstre pour autant. Et même quand il traque sans pitié les "gauchistes" assassins de son leader politique, c’est moins par méchanceté ou réelle conviction que par désir d’être pour une fois sous les feux de la rampe, lui tout seul. Exister, quoi. Une sorte d’idéaliste, quand on y pense. Mais le cruel cynisme du jeu politique se repait de gens comme lui, et il finira broyé sur l’autel des intérêts de son parti. Un album qui vaut donc par le portrait de son personnage principal, ni héros ni sale type, juste un gars banal déboussolé et anonyme, qui croit tout ce qu’on lui dit en rêvant secrètement de gloire. Une réédition salutaire, à l’heure où la "dédiabolisation" de certains partis "extrêmes" semble être la règle.