Que justice soit faite
Le 28 novembre 2014
La French est appelé à intégrer le cercle des grandes fresques criminelles à la française. Le second film de Cédric Jimenez est une replongée galvanisante à l’issue tragique dans le Marseille des seventies.
- Réalisateur : Cédric Jimenez
- Acteurs : Benoît Magimel, Mélanie Doutey, Bruno Todeschini, Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Bernard Blancan, Céline Sallette, Guillaume Gouix, Dominic Gould, Féodor Atkine, Pauline Burlet, Cyril Lecomte, Marco Panzani, Georges Neri, Catherine Demaiffe, John Flanders, Kevin Van Doorslaer, Jordan Leroy, Myriem Akheddiou
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 2h15mn
- Date télé : 31 août 2024 22:24
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 3 décembre 2014
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.
Critique : Librement inspiré de faits réels, La French évoque les destins croisés du juge Pierre Michel et de Gaëtan Zampa, figure du grand banditisme marseillais. Ce second effort du cinéaste Cédric Jimenez, originaire de la cité phocéenne, lancé dans le grand bain de la réalisation avec le thriller Aux yeux de tous en 2012, prend le parti de nous faire suivre le démantèlement de l’organisation mafieuse nommée la "French Connection" via le regard du tragiquement célèbre magistrat. En 1971, sous un autre angle, le réalisateur américain William Friedkin s’était déjà engouffré dans la brèche pour un succès couronné par cinq Oscars lorsque Gene Hackman et Roy Scheider campaient les inspecteurs ricains prêt à tout pour démanteler la filière française depuis New York. French Connection et La French n’entretiennent pas le même point de vue mais se rejoignent sur un point : ils s’attachent à incarner à l’écran ce qui tourne autour des combines du milieu de la pègre marseillaise avec la plus grande authenticité possible.
- © Gaumont distribution
Le défi supplémentaire de Jimenez aura été de recréer l’atmosphère vintage des années 70, au cœur de la ville de Marseille qui est un personnage à part entière au sein du récit. C’est chose réussie : avec une minutie vraiment saisissante, des costumes aux petits accessoires de la vie quotidienne, on revit à l’écran une époque en toute pertinence. La très jolie photographie rétro, à mettre au crédit de Laurent Tangy, ainsi que la bande-son très seventies, renforcent encore un peu plus le charme et l’aura surannée de cette grande fresque criminelle sous influence scorsesienne.
Si La French embrasse en de nombreuses occasions les codes du film de gangsters (puissant parrain, règlements de comptes, lutte de pouvoir sur le marché du trafic de stupéfiants, corruption dans les forces de l’ordre, hommes de main jaloux ou loyaux), avec son lot de scènes percutantes (mais attention car l’action ne constitue toutefois qu’une infime partie du film), l’intérêt se concentre en priorité sur le captivant traitement réservé aux personnages dans leurs rapports et à l’évolution significative dont ils bénéficient au sein du récit.
- © Gaumont distribution
Figure de proue du métrage, le juge Pierre Michel nous est présenté comme un emblème héroïque de la justice ; il est dépeint très humainement. Incarné par un Jean Dujardin impliqué, qui démontre une fois de plus ses talents d’acteur à l’aise dans bien des registres, à l’instar de Gilles Lellouche, le magistrat est dévoilé comme une personnalité de caractère, dans toute sa complexité, son sens de l’humour et un passé qui n’est pas toujours très rose d’ailleurs,comme l’atteste une scène où ses anciens problèmes de jeu sont brièvement abordés. Sa détermination pour coincer le parrain Gaëtan Zampa (Gilles Lellouche) se posera comme inébranlable. Elle devient vite un but, une obsession que rien ni personne ne pourra venir perturber. Nous le verrons délaisser sa famille au profit de l’enquête et même refuser de généreux pots-de-vin de la part des mafieux pour qu’il stoppe de leur coller au train.
- © Gaumont distribution
Le point d’orgue du film se situe certainement dans la première et très intense confrontation entre les deux hommes, au détour d’une joute verbale faisant suite à une tentative de filature en solo qui manque de mal tourner. En parallèle, les rouages du déclin de Zampa commencent à se mettre en marche. C’est amèrement que l’influent mafieux voit le changement se profiler autour de lui, sans que celui qui fut longtemps le roi à Marseille ne puisse à présent plus y changer quoi que se soit. Abordé comme inflexible en affaires mais jamais vraiment odieux, le parrain, lui aussi père de famille aimant, gère son trafic comme un homme d’affaires aguerri, ce qui fait de lui une personnalité nuancée.
- © Gaumont distribution
Côté seconds rôles, point de transparence puisqu’ici Benoît Magimel, Guillaume Gouix, Céline Sallette, Moussa Maaskri, Cyril Lecomte ou encore Bernard Blancan mettent tous du cœur à l’ouvrage pour exister à l’écran au centre d’un script qui tient plutôt bien la route sur une durée de 2h15 ne se faisant absolument jamais ressentir. Nous émettrons juste un petit bémol quant à la mise en scène de l’assassinat du juge que l’on aurait aimé voir plus percutante, puisqu’elle semble intervenir un peu comme un cheveu sur la soupe. La mise à mort, bien qu’attendue dès le départ, ne déploie pas, en effet, la force dramatique et émotionnelle escomptée, quand d’autres séquences se montrent plus marquantes (on repense en particulier aux deux confrontations entre le juge et Zampa).
La French s’impose au final comme un bel hommage à une figure associée à jamais aux notions de justice, de sacrifice et d’abnégation, donc d’héroïsme, mais surtout au cinéma noir. Le film de Jimenez est en effet la preuve irréfutable qu’en France nous savons encore faire de bons polars.
- © Gaumont distribution
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.