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Le 28 février 2006
Un formidable polar venu d’Islande. Glauque à souhait et d’une tension psychologique extrême.
- Auteur : Arnaldur Indridason
- Genre : Polar, Roman & fiction
- Nationalité : Islandaise
Encore un polar venu du froid. Encore un auteur bourré de talent, Arnaldur Indridason, une star dans son pays, l’Islande. Une star, souhaitons-le, bientôt dans l’Hexagone, au même titre qu’un Mankell. L’atmosphère de ce premier roman traduit en français n’est pas sans rappeler, en effet, celle qu’on trouve chez le célèbre Suédois. En plus glauque et plus désespérée. On a envie de parler de Simenon aussi, qu’Indridason a beaucoup lu et dont il a tiré le meilleur des profits. Mais arrêtons-là les comparaisons car cette Cité des jarres possède un ton unique. La raison en est simple : c’est que l’Islande est un pays qui ne ressemble à aucun autre. Mieux : c’est surtout qu’Indridason la connaît comme sa poche et excelle à en retranscrire les ambiances. Tout comme, en très fin observateur de ses compatriotes, il donne vie à une galerie de personnages bourrus, moroses, voire désespérés, à l’image d’un climat dur à vivre. En automne particulièrement, quand les jours qui se mettent à rétrécir comme peau de chagrin vous flanquent le bourdon.
Pire encore, quand il pleut sans discontinuer, comme cet automne-là où nous faisons la connaissance du commissaire Erlendur à l’humeur aussi maussade que la météo. Son enquête sur le meurtre d’un ancien violeur va faire resurgir du passé des miasmes nauséabonds et mettre au grand jour des secrets inavouables, depuis longtemps enterrés, comme la fillette, morte d’une maladie héréditaire, qui sera le détonateur de l’affaire. En toile de fond, recherche génétique et trafic d’organes. C’est un sale boulot que de gratter dans un passé où chacun a quelque chose à se reprocher, même les médecins, même la police. Mais Erlendur est un flic consciencieux, il va jusqu’au bout de sa mission, avec obstination. Malgré ses problèmes personnels, malgré sa vie minable de divorcé, malgré ses relations brinqueballantes avec sa fille droguée. Fumant comme un pompier, ses vêtements jamais repassés, il traîne sa dégaine neurasthénique d’un bout à l’autre de l’île, à la recherche des indices qui feront s’assembler les pièces d’un puzzle marécageux. Tension psychologique extrême, violence omniprésente, cette douloureuse histoire se résoudra, comme il fallait s’y attendre, dans des circonstances dramatiques : un final incroyablement poignant où les protagonistes montrent leur vrai visage. L’hiver peut arriver. La neige peut enfin tomber, recouvrir le passé de son linceul. Et la vie reprendre son cours. Espoir minuscule. Espoir quand même.
Arnaldur Indridason, La cité des jarres (Mýrin, traduit de l’islandais par Eric Boury), Métailié, coll. "Suites", 2006, 286 pages, 10 €
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poildesouris 3 mars 2006
La cité des jarres - Arnaldur Indridason
Reykjavik, 2001. L’enquête sur l’assassinat du vieux Holberg dans un appartement au sous-sol d’un immeuble du quartier Nordurmyri (Marais du Nord) va plonger l’ opiniâtre et perspicace inspecteur Erlendur dans un marécage nauséabond enfouissant déviance pornographique, viols impunis, maladie héréditaire et suicide tragique, disparitions inexpliquées, sur fond de paysages détrempés par une pluie déprimante.
La Cité des Jarres est un roman noir dont le style est parfois un peu pataud, mais l’intrigue est bien ficelée, les personnages sont fouillés, crédibles, et le réalisme social brut fait ressortir des questions anciennes et actuelles.
Ainsi la filiation, thème central du roman, relie toutes les histoires et les personnages, donnant une place fondamentale aux relations parents/enfants, à la famille et sa dislocation. INDRIDASON,historien de formation, insiste sur le lien entre passé et présent, face visible et face cachée. Il met également en scène la génétique avec le projet contesté d’une banque de données privée portant sur l’ensemble de la population islandaise à des fins de recherche sur le génome humain et l’éthique bio-médicale avec le scandale du prélèvement et de la conservation sans autorisation d’organes sur les cadavres (on pense à une autre « Cité des Jarres » découverte au cours de l’été 2005, à l’hôpital Saint-Vincent de Paul à Paris).