Le 24 janvier 2025
Entre la poésie et le documentaire, cette œuvre militante, au bénéfice d’une tribu amazonienne qui tente de résister aux orpailleurs blancs, est une merveille absolue.
- Réalisateurs : Eryk Rocha - Gabriela Carneiro da Cunha
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Italien, Brésilien
- Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
- Durée : 1h50mn
- Titre original : A queda do céu
- Date de sortie : 5 février 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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Résumé : Les Yanomami, tribu indigène de l’Amazonie brésilienne, mènent une lutte acharnée pour préserver leur territoire et leur mode de vie ancestral face à la menace du "peuple de la marchandise". À travers le discours puissant de Davi Kopenawa, chaman et porte-parole de sa communauté, le film offre une immersion profonde dans leur cosmologie et se fait l’écho d’un appel urgent à la sauvegarde de la forêt et à la redéfinition de notre rapport à la nature.
Critique : Il y a d’abord ce plan-séquence d’ouverture de près de neuf minutes où l’on assiste à la sortie de la forêt de la peuplade des Yanomani. Les gens marchent lentement sur le chemin, jusqu’à l’endroit de la caméra. Les pieds et les mains sont brouillés, comme si un feu se dégageait de leur groupe, un feu prêt à se déclarer dans un ciel noir où les âmes de leurs ancêtres perpétuent la souffrance de la colonisation de leurs terres. Cette ouverture magnifique donne le ton à tout le documentaire qui prend la lenteur comme un argument pour se ranger du côté de la tribu. Car les femmes et les hommes qui vivent de leurs cultures, de la pêche et de la chasse, continuent de subir la destruction progressive de la forêt, le démantèlement de leurs espaces de vie par des machines qui creusent des trous gigantesques pour trouver l’or.
- Copyright Aruac Filmes
La chute du ciel est un grand film, autant pour le message de dignité et de liberté qu’il diffuse que pour la qualité incroyable de la photographie et de la mise en scène. La voix d’un shaman expérimenté accompagne cette visite dans les maisons de ces personnes, ponctuée de temps en temps par un enfant ou une femme. Plus qu’une immersion dans leur quotidien, les deux réalisateurs témoignent d’un cheminement spirituel indispensable pour que le monde capitaliste prenne conscience qu’en détruisant les terres de ces paysans, c’est à lui-même qu’il fait du mal. La caméra montre en effet avec une très grande acuité les liens ténus qui unissent la nature, les hommes et le ciel, et qu’une seule saillie dans cet équilibre précaire pourrait mettre à mal.
Le documentaire convoque dans un même chant la beauté et la profondeur mystique. Chaque visage, chaque geste, chaque mot semblent des invitations à penser notre rapport au monde, à nos origines et à l’univers. Voilà donc une œuvre qui s’adresse aux spectateurs qui oseraient nier que l’équilibre de la planète est en danger à chaque fois que l’emprise capitaliste prend le pas sur la raison. En même temps, l’espace de parole laissé à ce shaman se suffit à lui-même. Les réalisateurs ne forcent jamais la pensée : ils refusent toute forme de démagogie, seule l’image compte et le temps offert à ces gens pour témoigner de leurs conditions de femmes et d’hommes.
- Copyright Aruac Filmes
Toute la poésie réside avant tout dans ce titre merveilleux, La chute du ciel. La pluie se fait attendre dans un monde où les déséquilibres écologiques finissent par gagner sur la vie. Et pourtant ce peuple fait la démonstration que la résistance n’est pas vaine et que la lutte n’a pas besoin d’armes cruelles. Le combat est spirituel et philosophique. Même si les enfants meurent de maladies apportées par l’Occident, leurs connaissances ancestrales des plantes aura toujours raison de l’insupportable. La sélection de la Quinzaine des Cinéastes a choisi de mettre à l’honneur cette population tribale qui lutte en silence pour la préservation de leur lieu de vie, et finalement de notre planète toute entière. On ne peut regretter qu’aucun prix n’ait accompagné ce beau récit.
La chute du ciel est une œuvre dense, profonde, dont il faut accepter la rythme lent et captivant. Tout se joue dans le silence offert par la forêt, le témoignage des anciens qui ont perdu des aïeux, et le ciel, immense, qui finira par leur donner raison.
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